L'aventurier du cinéma : Evrard Wendenbaum

[Interview] Evrard Wendenbaum, l’aventurier du cinéma

aventurier evrard wendenbaum

Cette semaine nous sommes dans les Pyrénées pour assister au festival « Explos », le festival de films d’aventure et de montagne.

Dans cet épisode on va voir un petit peu l’ambiance du festival. Il y aura aussi également une Interview d’un grand réalisateur de films d’aventure, je vous laisse découvrir ça dans cette vidéo.

Voici la retranscription de l’interview avec Evrard Wendenbaum

Je m’appelle Evrard Wendenbaum. Je suis réalisateur, photographe, explorateur. Je ne sais pas trop si c’est le bon terme. Je dirige une petite association de conservation de la nature : Natureveolution.

https://www.naturevolution.org/

Comment es-tu devenu réalisateur ?

J’ai plutôt un parcours de montagnard à la base.

Je suis né à Grenoble, j’ai fait beaucoup beaucoup beaucoup de montagne quand j’étais jeune, ado, et je me destinais plutôt à être guide de haute montagne du coup.

Et puis en même temps que j’ai fait toutes ces activités de montagne, j’ai suivi des études. Je suis allé dans le domaine de la géologie, de la biologie. Et à la fin de mes études j’ai hésité à faire de la science, à être chercheur, à faire une thèse etc.

Je me suis arrêté juste avant la thèse parce que je sentais que le milieu ne me correspondait pas complètement, et que j’avais besoin de prendre un peu plus l’air.

Donc je me suis un peu orienté vers les métiers de l’outdoor, et notamment vers le métier de photographe. Donc je me suis lancé assez vite après mes études, en tant que photographe d’escalade, de ski etc.

J’ai eu la chance de partir pas mal en expédition du coup grâce à ça. Et assez vite j’ai été amené à faire une expédition au Salto Angel, au Venezuela, sur les tepuys d’Amazonie. L’aventure qu’on allait vivre c’était avec l’équipe Arnaud Petit, Stéphanie etc, il y avait toute une super équipe de grimpeurs.

On allait donc faire une paroi qui est sous une cascade gigantesque, la plus haute cascade du monde. Il y a à peu près 1 000 mètres de dévers.

Je me suis dit que c’était dommage d’y aller qu’en photos, qu’il allait y avoir une histoire à raconter et que la photo n’allait pas y arriver. Je n’allais pas réussir à raconter tout ce qu’on allait vivre.

Donc j’ai monté un projet de film. J’ai écrit un synopsis et je suis allé voir un producteur. Le producteur m’a aidé à partir avec une caméra et tout le matos qu’il fallait. Ce film-là a plutôt bien marché en festival du coup, et ailleurs. Et ça m’a permis d’en faire d’autres, puis d’autres, puis d’autres.

J’ai un peu quitté la photo rapidement pour passer à la réalisation de films documentaires. Et j’avoue que ça m’a bien plu. En plus c’était un peu un rêve de gamin. J’étais hyper hyper fasciné par beaucoup beaucoup de documentaires que j’avais vu, de montagne notamment.

Est-ce que tu n’es pas un peu journaliste à travers ton travail ?

Journaliste je ne sais pas, mais je cherche effectivement à utiliser le média, quel qu’il soit, pour transmettre quelque chose.

Transmettre et sensibiliser les gens à un certain nombre de choses qu’on perçoit pas.

Je pense à des trucs tout bêtes mais par exemple, quand on regarde la télévision.

On passe notre vie, je dis « nous » au sens large, mais j’ai cru comprendre que les français passaient entre 03h30 et 04h00 de télévision par jour. Et qu’on t’abreuve, notamment au journal télévisé, on parle de mille choses. Régulièrement on parle du réchauffement climatique. On entend parler de ça. Et puis 5 minutes après t’as oublié.

  • Parce qu’on te l’explique pas 
  • Parce que ça ne te concerne pas 
  • Parce que ça se passe aux Maldives 
  • Parce que ça se passe en arctique. 

Tu te dis « Bon bah moi demain ça ne me changera rien dans ma vie »

Je trouve que ces festivals, ces interventions, ces conférences-là, que j’essaie de multiplier, c’est pas pour rien.

C’est parce que c’est un moment où il y a un vrai contact avec les gens. On peut véritablement aller au fond, en tout cas en quelques minutes, mais on peut développer des choses. Et ça me semble important.

Après il y a les films que je fais, qui sont effectivement un peu plus orientés science ou découverte et sensibilisation, qui ont aussi cette même vocation d’émerveiller d’abord, parce que je reste convaincu à l’instar d’un gars comme Nicolas Hulot qui a bercé mon enfance clairement, que l’émerveillement c’est la base, avant de pouvoir sensibiliser quelqu’un.

Mais au-delà de l’émerveillement, il y a aussi de la connaissance.

C’est-à-dire que plus t’es émerveillé plus tu connais, plus tu connais plus tu aimes.

Moi c’est tout ce que j’essaie de transmettre, de toutes les manières possibles, que ce soit dans mes films ou dans les conférences, ou dans les articles que je peux écrire.

J’en viens à un point qui me semble aujourd’hui assez clair, c’est qu’à titre perso, je ne sais plus faire des expéditions pour la performance et pour l’exploit sportif.

C’est quelque chose qui pourtant m’a complètement driver pendant de nombreuses années, j’avais qu’une envie c’était d’atteindre tel sommet, d’aller dans tel endroit de la planète. Là j’ai toujours envie d’aller dans ces endroits-là mais je ne me sens plus la capacité de monter une expédition en me disant « Je vais juste atteindre tel sommet, traverser telle calotte glacière etc ».

Je n’y arrive plus parce que je trouve qu’on n’est plus dans cette époque-là.

Ça parait peut-être un peu excessif mais il se passe tellement de choses gravissimes dans notre planète, tout autour, tous les jours, qu’il me semble qu’on doit s’engager. Et on doit nous, en tant que réalisateur, photographe, de ce milieu-là dont on profite tous les jours dans notre métier et sur lequel on a du coup un impact aussi parce que nous aussi on prend l’avion, nous aussi on attire les gens pour aller dans ces coins-là. Tout ça est donc un impact direct et indirect. Et à un moment donné il faut qu’on agisse, il faut qu’on transmette quelque chose.

Moi j’en suis persuadé. Je pense qu’aujourd’hui on peut plus se laisser simplement bercer par de belles images.

Moi en tout cas, au plus profond de moi je n’y arrive plus.

Tu donnes également des cours de vidéo à travers des « workshop ».

De temps en temps j’aime bien effectivement transmettre ça, et les festivals s’y prêtent parfaitement, parce que c’est un moment où il y a plein de gens qui vivent les films tous les soirs, qui sont justement pleins d’émotions, pleins de surprises et pleins d’émerveillements.

Et il se demande beaucoup dans les spectateurs « Comment ça a été fait ? Comment je pourrais faire moi pour raconter mes vacances, mon expédition de la même manière ? »

Donc voilà c’est un bon moment pour transmettre effectivement ce que moi je peux savoir, mais encore une fois, je ne me sens pas expert sur la question. C’est plutôt que j’essaie de mettre en valeur mes expériences de tournage, de différentes expéditions aux quatre coins de la planète et dans différentes conditions pour que ça puisse servir à n’importe qui.

C’était pas du tout obligatoire, c’est la première fois que je le fais dans le cadre de ce stage, mais la plupart des stagiaires-là étaient grimpeurs ou spéléos, et clairement, dans ce qu’ils espéraient faire un jour c’était de l’image verticale on va dire. Suspendu dans un baudrier, quel que soit le lieu. Donc je me suis dit il faut y aller, il faut qu’on les mette dans le vif.

Certains maitrisaient les manips de cordes, d’autres pas du tout. Donc on essaie de regarder ça aussi, parce que pareil, le matériel que tu utilises ici, dans un studio ou dans une salle de cinéma n’est pas le même forcément que ce que tu vas utiliser quand t’es suspendu. Et puis là t’es posé sur tes pieds, sur un trépied et tout, mais suspendu, t’es sur une corde qui ballote, qui tourne, avec du vent, avec des bruits autour. Donc tout ça il faut l’adapter d’une manière ou d’une autre. Faut se trouver des petites bidouilles, des petites combines. C’est beaucoup de bidouilles.

Si tu devais donner 3 conseils à un réalisateur ?

Le premier conseil que je donnerais, très clairement, c’est de réfléchir au contenu du film avant de partir.

Et de ne pas se dire je vais filmer ce que je vais faire, quel que soit le truc, et puis je verrais bien ce que j’en ferai après, j’essaierais de raconter une histoire.

Ça, globalement, ça marche pas. Sauf très rares exceptions, je pense à un film comme « Cold » de Anson Fogel, un américain qui avait fait un film à partir d’images qu’il n’avait pas lui-même tourné, il ne savait pas. Mais bon le gars qui avait tourné au départ c’était un photographe professionnel de National Geographic qui a de toute manière ramené quelque chose de très fort, en plus c’était à 8 000 mètres enfin bref tu vois y’avait de la matière.

Mais de manière générale, quand on ramène des choses ça va être peut-être un petit peu moins émouvant, un petit peu moins fort que ce qu’on peut ramener à 8 000 mètres, et ça va être un petit peu moins bien filmé que ce que va faire un photographe professionnel.

Du coup si on n’a pas anticipé, il va manquer des plans, ça c’est sûr. Il va manquer du contenu. On va pas avoir le bon rythme. Il y a des choses qui ne vont pas marcher. Et ça va quasiment à tous les coups donner un film assez mauvais. Il faut le dire.

Donc moi je pense que la base c’est vraiment d’écrire, même un truc très court, mais quelque chose sur d’une part ce que tu vas raconter, et un autre document où tu dis pourquoi tu veux raconter ça et comment tu vas t’y prendre pour amener le spectateur à ressentir ce que t’as envie qu’il ressente.

Ça ça me semble essentiel.

Ça ne prend pas forcément très longtemps.

C’est juste une soirée où on va réfléchir et se dire de quelle manière je le raconte, quel ton je vais utiliser. Et ça permet une chose essentielle au moment du tournage, c’est à pas tourner n’importe quoi. On tourne juste ce qui nous semble nécessaire et puis surtout on se rend peut-être beaucoup plus compte de ce qui va manquer. Parce que tu sais que tu as envie d’avoir telle ou telle tonalité dans ton film, tel ou tel rythme, et tu sais qu’il va te falloir quelques types d’images que tu ferais pas sinon puisque tu ne sais pas exactement ce que tu vas raconter.

Voilà, premier point c’est ça.

Le deuxième point c’est de ne pas se focaliser sur la technique. Parce que très clairement ça sert à rien.

On peut très bien aujourd’hui regarder un film de mauvaise qualité technique mais qui est très fort émotionnellement. Ça, ça marche. Et on l’a d’ailleurs vu ici à ce festival. Il y a pleins de films qui ont des prix du public par exemple qui ne sont pas du tout ceux qui ont les plus belles qualités techniques.

À mon sens ce qui marche au cinéma c’est pareil. Ce qui marche au cinéma c’est les films qui te touchent. C’est pas un film qui est hyper bien filmé.

Le top c’est quand tu as les deux.

Donc deuxième point, pas forcément la peine d’avoir une caméra de super qualité et de claquer de l’argent là-dedans, je pense que c’est pas essentiel.

Troisième point qui me semble absolument indispensable, c’est le son.

Parce que tout le monde se dit, et je reçois pleins de mails souvent où les gens me disent « Qu’est-ce que j’achète comme caméra ? » et je lui dis « Prends la caméra la plus basique on s’en fou complètement. Par contre tu prends des micros, tu prends ce qu’il faut pour enregistrer séparément plusieurs pistes, le gars qui te parle mais aussi l’ambiance qu’il y a autour. L’animal qui passe à côté. »

Voilà. Il faut du contenu parce qu’au moment du montage en fait tu t’aperçois que c’est le son qui est la trame de ton film.

L’image c’est juste, je caricature un peu, mais c’est juste une illustration de ce que tu vas avoir en son.

Si t’as pas de bons sons tu fais pas de bons films. Ça c’est clair.

Pour plus d’informations sur Evrard, allez sur http://www.evrardwendenbaum.com/.

 



photographe professionnel
Fred
Photoreporter professionnel pour la presse magazine (Paris Match, VSD, le Figaro Magazine, le Pèlerin, Géo Ado, Stern, etc...)

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