Quand photographie rime avec aventure, cela donne souvent de superbes images, et d’incroyables histoires. Un peu comme celle de Travis Burke, un jeune photographe américain, qui vit la plupart du temps dans son van aménagé et pensé pour la pratique de la photo de voyage. Spécialisé dans le milieu outdoor, Travis collabore avec de très grandes marques comme GoPro. Rencontre.
Destination Reportage : Quand et comment as tu commencé la photographie de voyage ?
Travis Burke : La première « étincelle » date d’il y a 6 ans, lors d’une randonnée avec mes parents sur le Pacific Crest Trail, dans le parc national du Yosemite. J’ai alors décidé de m’acheter un Nikon D300 afin de réaliser un carnet de voyage. Le fait d’utiliser un appareil photo m’a fait ralentir et apprécier davantage la beauté autour de moi. Lorsque je suis rentré chez moi, j’ai commencé à prendre des cours et participer à de nombreux workshops, afin d’apprendre les bases et d’assimiler un maximum de connaissances sur le sujet. Ensuite, j’ai travaillé comme assistant pour des photographes professionnels dans plusieurs domaines.
Comment devient-on « photographe d’aventures » comme toi ?
Je pense que pour commencer, il faut être vraiment passionné par ce que tu fais. Cette émotion qu’est la passion se ressentira toujours dans ton travail. Il faut aussi être capable de créer des images uniques afin d’apprendre à se surpasser. Ensuite, tout est une question de réseaux et de faire connaître son travail, le montrer. Être photographe d’aventures est une opportunité pour se faire plaisir et parcourir le monde, mais c’est aussi des sacrifices. Tu vois moins ta famille, tes amis, et être constamment sur les routes n’est pas aussi glamour que ce que pensent les gens.
Dans une vidéo, tu expliques que tu pratiques de nombreuses activités outdoors en plus de les photographier. Est ce important pour toi de « tester » ce que font tes sujets ?
Lorsque je rencontre des athlètes que je vais photographier, j’essaye de connaître et comprendre un maximum leurs sports. En pratiquant moi même ces sports, j’apprends les bases et je maximise mes chances d’obtenir de très bonnes photos. Et puis, j’adore dépasser mes limites.
Quel est le matériel que tu utilises pour tes reportages ?
J’utilise un Nikon D800 couplé à un 14-24mm, ainsi qu’une GoPro Hero 4 Silver Edition. J’ai également un 24-70mm à porté de main, un tripod, un intervallomètre, et plusieurs filtres.
Tu es également très présent sur Instagram, que penses tu de l’iphonographie ?
Cela a pris du temps avant que je me mette à Instagram et que je réalise l’intérêt d’y être. Mais cette application a permis à ma carrière de passer au niveau supérieur. Photographier avec son smartphone est génial ! Je pense que c’est le meilleur appareil photo à avoir constamment sur soi. J’utilise très régulièrement mon iPhone lors de mes voyages.
Une photo publiée par Travis Burke (@travisburkephotography) le
Quelle est ta vision de la photographie ?
J’espère vraiment être capable d’inspirer les gens et les pousser à sortir et explorer le monde. Pas besoin de planifier un voyage super élaboré pour profiter de superbes et uniques paysages. J’essaye de repousser continuellement mes limites créatives afin d’encourager les autres à faire de même.
Es tu confiant quant à l’avenir du métier de photographe ?
Oui. Je suis confiant quant à mes capacités à m’adapter dans l’optique de nouvelles opportunités. Je pense être suffisamment passionné pour que ça marche !
Aujourd’hui tu es sponsorisé par plusieurs marques. Est ce que c’est, selon toi, l’avenir des photographes professionnels d’être soutenus de cette façon ?
Je pense que le fait d’être sponsorisé fait une indéniable différence. C’est profitable pour les deux parties et cela permet de travailler en équipe afin d’avoir plus de visibilité.
Quels conseils donnerais tu à un jeune photographe qui se lance, ou tout simplement à un photographe amateur ?
La photographie est un milieu extrêmement compétitif. Il est très facile de se former en ligne et de commencer à être pro, mais c’est aussi très difficile de tenir la distance. Il faut être « flexible », continuer à apprendre tous les jours et surtout, prendre plaisir à photographier !
Confrère photographe de presse mais surtout ami, Balint est en ce moment au festival de Cannes, non pas pour monter les marches, mais pour tirer le portraits des gens qu’il rencontre. Ce génie du portrait Iphonographique, un genre finalement peu courant, est aujourd’hui l’un des photographes les plus suivis sur Instagram, où il cumule plus de 52 000 followers, rien que ça !
Destination Reportage : Comment se passe ta petite promenade sur la croisette ?
Balint Pörneczi : Bien, mais c’est très fatiguant, parce que je marche entre 10 et 20 km par jours pour faire les photos ! Ici, il y a de quoi « chasser » et il y a des portraits très intéressants à faire !
D’où est venu ce projet ?
L’idée a été lancée au cours d’une discussion avec mon ami Arnaud Brunet de Neus. Sa société d’édition m’aide en payant une partie de mes frais, notamment l’hôtel, avec comme objectif final de faire un livre sur mon travail. Concernant Cannes, l’objectif est de réaliser 7 portraits par jours, en hommage au 7ème art. Mais ce n’est pas facile !
Tu es devenu un maître du portrait sur les réseaux sociaux, notamment sur Instagram !
Depuis novembre 2013, date d’ouverture de mon compte Instagram, j’ai fais plus de 160 portraits. En une douzaine de jours à Cannes, j’en ai fait 84 ! C’est un autre rythme, car lorsque je suis chez moi à Rodez ou ailleurs, je ne me fixe pas vraiment d’objectifs de publication, parfois j’en fais un par semaine, parfois trois dans la même journée.
Comment est ce que tu en es arrivé à faire des photos avec un téléphone ?
Lorsque j’étais à Paris, je n’arrivais pas à développer un sujet personnel qui me faisait plaisir. J’ai acheté mon premier smartphone pour utiliser google maps et l’application « métro » à Paris et petit à petit j’ai commencé à faire une série au téléphone sur tumblr pour tenir au courant ma famille en Hongrie de ma vie quotidienne. Je n’ai pas débuté par Instagram, mais mon ami Benjamin Girette m’a convaincu d’y ouvrir un compte et faire des séries thématiques, d’où les portraits.
Et depuis tu as passé les 50 000 folowers ! Qu’est ce que ça fait d’être un photographe autant suivi ?
C’est chouette, mais ce n’est pas du tout ma priorité parce qu’au final ce n’est pas ça qui paye. Certes j’ai été démarché par des agences de webmarketing mais j’ai, à chaque fois, refusé leurs propositions de faire des photos ou mettre des hashtags pour des sommes qui me semble dérisoires, tout simplement parce que je n’en avais pas envie. Après, cela fait super plaisir de voir des commentaires très gentils sur mon travail, notamment lorsqu’on me compare à l’incroyable August Sander, ou quand le photographe du National Geographic, David Guttenfelder, commente des photos qui ne sont absolument pas au début de ma timeline Instagram, c’est extrêmement touchant !
Cela te permet également d’être récemment publié sur les comptes officiels de grands titres de presse comme les magazines « Polka », « Photo », ou le grand « New York Times » !
Oui, mais au final tout le monde demande l’exclusivité et propose des prix vraiment très bas… Je ne suis pas du genre à me plaindre ou à appeler les rédactions tous les quatre matin pour demander du boulot. C’est difficile pour tout le monde, mais par exemple, si malgré mon parcours ici à Cannes, j’espère juste pouvoir rentrer à Rodez sans perdre d’argent…
Dans cette série cannoise, on voit très peu de portraits de célébrités, pourquoi ?
Tout simplement parce que c’est la suite de mon projet « Figurak », qui consiste à prendre en photo n’importe qui, peu importe son rang social. Je mets tout le monde au même niveau. Ce n’est pas parce que je suis à Cannes que je vais me mettre à chasser toutes les stars. Ce n’est pas l’événement qui m’intéresse, mais les gens qui viennent à cet événement.
Depuis que j’ai ouvert ce blog et publié les premiers articles, on me demande des conseils pour faire de meilleures photos de voyage. Au final, je me rends compte que bien souvent, je réponds aux mêmes questions et que finalement, beaucoup de personnes font les mêmes petites erreurs qui les empêchent d’obtenir les résultats qu’ils espèrent lorsqu’ils appuient sur le déclencheur.
Tout le monde, moi le premier, nous faisons des erreurs. Et heureusement, parce que sinon il n’y aurait pas de « bonnes » ou de « mauvaises » photos. La bonne nouvelle, c’est qu’il vous suffit bien souvent d’en avoir conscience pour les éviter.
Voici donc les 10 erreurs que vous faites peut être lorsque vous photographiez vos vacances et quelques conseils pour les éviter.
Erreur n°1 : les photos penchées
C’est vraiment LE truc qui fait qu’une photo ne sera pas réussie, car c’est la base du cadrage. Peu importe si votre sujet est exceptionnel ou que la scène que vous avez capturé et absolument incroyable, si votre photo est penchée, la photo est forcément moins réussie.
Bon après il y a penché et penché. Penché sans le vouloir, et penché volontairement. La plupart des photographes professionnels cadrent parfois volontairement leur photo très penchée afin d’apporter du dynamisme à l’image, ou encore pour jouer avec des lignes (dans le cadre d’une perspective par exemple).
Que faire si ce n’est pas voulu ? Le plus simple est de recadrer l’image en post-production, ce qui est possible de faire sur n’importe quel logiciel, même sur son téléphone ! Ensuite, je vous conseille d’intégrer un quadrillage dans votre viseur optique ou numérique afin d’avoir des repères visuels dès la prise de vue, qui vous empêcheront de faire des erreurs. Enfin, en dernier recours, pensez à regarder attentivement la ligne d’horizon ou celles des bâtiments dans votre cadre afin de réaliser une photo bien droite dès le départ.
Erreur n°2 : une mauvaise mise au point
Le problème du mode automatique, c’est justement qu’il est automatique. Je veux dire par là que c’est lui qui va faire les choix de prise de vue à votre place. Si vous continuez à utiliser ce mode, c’est que vous ne trouvez pas ça gênant, mais il vous est surement déjà arrivé d’avoir quelques déconvenues, comme sur cet exemple, dans lequel le « point » de l’autofocus s’est posé sur la barre du milieu, ce qui a engendré un flou d’arrière plan sur les personnages principaux de l’image.
Il faut savoir que « par défaut », l’autofocus en mode automatique va choisir de faire le point et donc de rendre net le premier plan de l’image. Cela peut bien tomber, ou pas. Pour éviter les problèmes, passez en mode manuel, ou au moins, choisissez vous même où faire le point.
Erreur n°3 : les photos floues
Je ne vais pas trop m’étendre sur ce point car j’y reviens très en détail dans mon ebook gratuit « Réussir ses photos de voyage ». Retenez simplement que le flou a plusieurs causes et donc plusieurs solutions. Sur l’exemple ci-dessus, il est surtout question d’une vitesse d’obturation trop basse et donc un temps de pause trop long, car le sujet est en mouvement. Une solution consisterait à, soit augmenter la vitesse (et donc passer en mode semi-automatique ou manuel), soit accompagner légèrement le mouvement du sujet au moment du déclenchement, ce qui aura pour conséquence supplémentaire de faire un effet de « filet ».
Erreur n°4 : déclencher derrière une vitre de voiture
Alors vous allez me dire « oui mais si on peut pas descendre du véhicule pour faire des photos ? » Et je vous répondrai que parfois pas de photo vaut mieux qu’une photo gâchée par des reflets franchement pas esthétiques, ou au moins de trouver un endroit moins sujet aux effets miroirs disgracieux.
Erreur n°5 : ne pas faire attention aux ombres
Si c’est un choix d’inclure sa propre ombre dans le cadre de sa photo, pourquoi pas, du moment que c’est légitimé ou pertinent. Si ce n’est pas le cas, c’est une erreur à éviter, car cela peut gâcher une image, en particulier si cette ombre se pose sur un élément important de l’image, comme une personne ou un bâtiment intéressant.
Pour éviter que cela se produise tout en restant dos au soleil, vous pouvez utiliser une focale plus longue (et donc éviter le grand angle), ce qui vous permettra de cadrer la scène sans l’ombre au premier plan. C’est bête, mais ça marche.
Erreur n°6 : ne pas nettoyer son capteur
C’est l’enfer des photographes propriétaire d’un réflex numérique : la tâche sur le capteur. Aussi appelée « pétouille » dans le jargon, ce petit point noir présent sur la photo résulte d’un dépôt de poussière sur le capteur de l’appareil photo. Cela se produit lorsque vous changez d’objectif, ou lorsque vous êtes dans des endroits un peu sensible, comme à la plage par exemple.
Cela peut être un cauchemar lorsque l’on ne s’en rend pas compte du premier coup d’oeil et que l’on rempli plusieurs cartes SD de photos, qu’il faudra retravailler sur un logiciel après coup pour en débarrasser toutes les tâches.
Donc un conseil, ayez toujours avec vous de quoi nettoyer votre capteur et vos optiques, c’est un investissement qui vaut vraiment le coup, surtout lorsque l’on part en voyage.
Erreur n°7 : centrer son sujet et l’horizon
Sur cet exemple, la scène devant l’objectif est superbe, la lumière très belle, mais le cadrage très banal et peu intéressant. Un conseil : ne placez jamais votre sujet et encore moins l’horizon d’une image en plein milieu du cadre. Utilisez la règle des tiers et placez vos sujets, comme ici cette petite île, sur un point de force de l’image, là où l’oeil du spectateur viendra se poser naturellement. Je parle plus en détail des règles de la composition dans mon livre numérique.
Erreur n°8 : faire poser ses sujets
Vous n’êtes pas au festival de Cannes et vous n’avez pas affaire à des acteurs décrochant un superbe sourire à l’écoute de leurs noms. Autant il est possible de réaliser de superbes portraits de locaux que l’on a fait poser, autant cela peut être catastrophique, comme dans cet exemple.
Si vous tenez absolument à faire ce que l’on appelle du « regard caméra », évitez de faire poser plus d’une personne à la fois, ce sera plus simple à gérer pour vous. Mais n’oubliez pas que les résultats sont plus intéressants lorsque la personne ne pose pas.
Erreur n°9 : couper les extrémités des sujets en cadrant trop serré
Lorsque l’on fait une photo de groupe, il est fréquent que l’on ne fasse pas attention à tout, notamment le cadrage. Du coup, il arrive que l’on « coupe » des pieds, des mains, parfois plus ! Même chose avec les animaux comme sur cet exemple.
Un conseil : faites attention à votre cadrage. Vraiment. Au moment du déclenchement, posez vous la question « est ce que tout est dans le cadre ? » et ensuite, seulement, appuyez.
Erreur n°10 : rater un contre-jour
Combien de fois cela vous est il arrivé, de ne pas réussir à obtenir le rendu de l’image que vous avez en tête ? C’est souvent le cas lors d’une prise de vue en contre jour. Notre oeil s’adapte au fort contraste d’un coucher de soleil, mais pas notre petit compact, notre smartphone, ou encore notre reflex en mode automatique.
Dans un récent article paru sur ce blog, je vous parlais de ce genre d’expérience et je vous expliquais comment « rattraper » cela via un logiciel de retouche d’image.
Mais au fait, pourquoi c’est bien d’éviter ces erreurs ?
Je vous entends déjà derrière votre écran « Non mais oh, si j’ai envie de faire une photo penché ou flou ? » « Je suis pas pro, je veux juste ramener des souvenirs ! » « Moi je la trouve bien cette photo ratée » etc…
Si vous lisez cet article et que vous suivez ce blog, c’est parce que vous avez envie de progresser en photographie. C’est tout à fait légitime, car c’est en faisant face à ses erreurs et aux imperfections de ses images, que l’on progresse et que l’on arrive à se faire davantage plaisir en photo.
J’espère que ces quelques conseils vous aideront à ramener de meilleurs souvenirs de vos vacances.
Si comme moi vous êtes passionné par l’aventure et les sports de montagne, vous avez peut être déjà vu un film de Sébastien Montaz-Rosset. Ultra trail, BASE jump, highline et même saut pendulaire, ce réalisateur talentueux est passé de guide de haute montagne à vidéaste pour mettre en lumière de nouveaux sports outdoors.
Armé de son Canon 5D sur steady cam, il court derrière Kilian Jornet et enfile son baudrier pour filmer les « Flying Frenchies », en rappel sur une montgolfière !
Son premier film « I believe I can fly », incroyable succès, lui a ouvert les portes du cinéma et il est régulièrement en tête d’affiche des films de montagne et d’aventure avec ses documentaires bourrés d’adrénaline.
Rencontre avec « l’une des personnalités les plus importantes de l’outdoor », selon le magazine Wider, qui a d’ailleurs fait une couverture à partir d’un selfie du réalisateur-alpiniste.
Destination Reportage : Tu es à la base un alpiniste chevronné et également guide de haute montagne depuis la fin des années 1990. Comment en es tu venu à la photographie et au cinéma ?
Sébastien Montaz-Rosset : J’ai commencé à filmer mes clients en montagne, et puis il y a eu les sorties avec des amis en ski. Tout a commencé comme ça.
Tu as également été l’un des premiers à mettre en lumière, et en images, certains sports outdoors comme la highline, le BASE jump ou encore le Trail, pourquoi ces choix de sports ?
Cela n’a pas forcement été un choix. Le fait est que je connaissais ces gens, ce sont des amis, et je sortais avec eux en montagne pendant qu’ils faisaient de la highline et toutes ces autres activités. Je trouvais qu’il y avait des choses à raconter, des histoires, de belles images, des choses sympas à montrer.
Est ce que tu pratiques ces sports en dehors de ton métier ? Est ce que tu aimerais les pratiquer ?
Je fais beaucoup de ski de rando, beaucoup de montagne. Je cours beaucoup et je pratique l’alpinisme pour aller skier. Les sports aériens ne me font pas trop envie, mais ce sont des sujets super à filmer.
En 2011 tu signes l’excellent film « I believe I can fly », peux tu nous raconter ta rencontre avec les « Skyliners », qui se font aujourd’hui appeler les « Flying Frenchies » ?
C’est justement ce groupe d’amis dont je parlais. Je les connaissais en montagne, un ami d’un ami, d’un ami… et je suis allé les filmer deux ou trois fois. Je m’étais emballé dans leur histoire, leurs défis. Puis en cherchant un nom pour le film, la personne qui travaille avec moi a suggéré le titre « I Believe I can Fly – Flight of the Frenchies ». Ce sont des références anglophones un peu… et puis on les appelait les Flying Frenchies de plus en plus. Et enfin, ils ont été obligés d’accepter ce nom !
Désormais tu as ta propre boîte de production et tu fais tout, de la prise de vue, au montage. Est ce que c’était prévu dans ton « plan initial » ? Comment fais tu pour arriver à tout gérer au quotidien ?
Rien n’était vraiment prévu ! On a fait des choses en répondant aux demandes et aux attentes des clients. Deux personnes travaillent avec moi en indépendantes, l’une d’entre elles gère les projets et l’administration pour que je puisse filmer le plus possible.
Aujourd’hui on parle beaucoup de toi et de ton travail notamment grâce à Kilian Jornet, peux tu nous parler de ta rencontre avec cet athlète incroyable ?
Salomon m’avait demandé de le filmer pour leur série Kilian’s Quest. Et on a bien sympathisé. Je le trouvais fascinant… et il l’est encore ! Tout est venu de là. On s’entend bien, il apprécie ma façon de travailler, car je le laisse faire ce qu’il veut faire, et on travaille bien ensemble.
Tu sembles beaucoup voyager à travers tes projets audiovisuels. Dans ce blog, nous parlons de voyages et d’aventures, quelle est ta vision de ces domaines ? Est ce que tu te considère comme étant un aventurier ?
Non, pas vraiment. Je suppose que je le suis, a travers mes projets mais je suis avant tout un montagnard, et je veux surtout raconter des histoires, et faire réagir les gens. J’ai eu de la chance de pouvoir faire plein de choses mais ce sont des choses normales pour quelqu’un qui a grandi en montagne.
Quels sont tes prochains projets ? Tes envies ?
Je continue de travailler avec Kilian sur son projet de sommets, et on va partir pour l’Everest bientôt. Donc je ne vise que ça pour l’instant. C’est assez grand je crois, ça me suffit en ce moment !
Si tu devais donner un conseil aux photographes qui lisent cette interview, qu’est ce que ce serait ?
Ce n’est pas nécessaire d’avoir beaucoup de matériel ni le matériel le plus cher pour faire des superbes images ou pour commencer à raconter des histoires. Il faut regarder autour de soi, et faire des images…en faire, en faire, en faire !
L’univers de la photographie est passionnant, surtout parce qu’il est possible d’apprendre sans cesse et s’améliorer au fil des prises de vue et des reportages. Lorsque j’ai commencé à exercer ce métier et que j’ai rencontré des professionnels, notamment des photojournalistes, l’une des premières leçons que l’on m’a donnée a été l’obligation d’être curieux et tenter des expériences.
Changer les cadres, tester différentes focales, jouer avec la profondeur de champ, chercher les angles insolites, autant d’exercices auxquels tous les professionnels doivent se plier lors de leurs reportages afin de « sortir » des images différentes de ce que les confrères-concurrents vont réaliser également.
Par ailleurs, même si la photo de presse est un métier très exigeant, c’est également une passion, une envie, un besoin même pour certains. Même lorsque l’on est en commande pour un magazine ou une agence, on cherche toujours à se faire plaisir personnellement.
Pour ma part, cela passe par apprendre et progresser. C’est pourquoi il m’arrive parfois de me lancer des défis sur certains sujets. Dernièrement, j’ai profité d’un événement « news » pour exercer mon regard et mon cadrage en m’imposant d’utiliser uniquement une seule focale pour couvrir le sujet, en l’occurrence, une manifestation contre le projet de Sivens.
C’est donc avec un seul boitier, mon fidèle D4 et une optique, mon 50mm 1.4, que je pars en cette pluvieuse et triste après-midi, qui risque très fortement de dégénérer en bataille rangée entre casseurs et forces de l’ordre. Etant néanmoins en mission pour une agence de presse news, je prends quand même dans le sac des optiques supplémentaires, que je sortirai une fois à la toute fin de l’événement, quand les nuages de fumigène et les matraques de CRS, mêlés aux jets de pierres et autres bouteilles de verres des casseurs m’empêchaient de travailler en sécurité…
Voici le résultat de ce petit défi personnel, un éditing serré d’images réalisées avec le 50mm. Si vous possédez un boitier réflex, je vous conseille fortement cette optique !
Lynsey Addario est une photojournaliste de 41 ans qui a connu la plupart des conflits du 21e siècle. Elle a couvert la guerre en Afghanistan, en Irak, au Darfour, au Congo, en Haïti, et en Libye (elle était d’ailleurs l’un des quatre journalistes du New York Times enlevés en Libye en 2011).
En plus de couvrir les guerres pour la presse, Lynsey est passionné par les droits de l’homme et la thématique du rôle des femmes dans les sociétés traditionnelles. La photographe vient de publier un nouveau livre sur sa vie et son travail, intitulé « It’s What I Do: A Photographer’s Life of Love and War ».
(Credit: Lynsey Addario/ Corbis Saba)
Dans ce livre, Lynsey retrace les 15 dernières années de sa vie de témoin de la guerre et ses conséquences les plus horribles. La photojournaliste a déjà donné un certain nombre d’interviews, autant de témoignages inspirants et importants. Voici un extrait publié par le Time.
Le smartphone peut être un formidable appareil photo : petit, discret et aujourd’hui doté de plusieurs applications permettant de créer des effets étonnant. Cependant, il ne faut pas vous en tenir uniquement qu’au filtre Instagram ou Hispamatic pour faire de superbes photos. Il existe plein de petits trucs et astuces pour améliorer ses images.
– Des panoramiques astucieux
– Des panoramiques en mode travelling
– Un zoom avec des jumelles
– De la photo macro avec de l’eau
– Créer un réflecteur de lumière avec un accessoire de voiture
– Fabriquer un trépied en carton et prendre des photos à distance avec les écouteurs pour remplacer une télécommande
– Prendre des photos sous l’eau
« Tu as un super appareil photo, tu dois faire de belles photos ! » Si comme moi vous en avez assez d’entendre cette phrase, j’ai une solution à vous proposer, bien plus efficace que de vous énerver ou juste vous taper la tête contre le mur. Cette solution est accessible en quelques clics sur YouTube.
Il s’agit d’une petite émission de la web tv basée à Hong Kong « DigitalRev TV », nommée « Pro Photographer, Cheap Camera ». Comme son nom l’indique, elle met en scène des photographes professionnels, reconnus dans le monde entier, et des appareils photos complètement hors normes et d’une qualité plus que médiocre. Il en résulte néanmoins des photos incroyables et surtout une morale définitivement claire et inaliénable : ce n’est pas l’appareil photo qui fait la bonne photo, mais bien le regard et le talent du photographe.
« Depuis quarante ans, le photographe Sebastião Salgado parcourt les continents sur les traces d’une humanité en pleine mutation. Alors qu’il a témoigné des événements majeurs qui ont marqué notre histoire récente : conflits internationaux, famine, exode… Il se lance à présent à la découverte de territoires vierges aux paysages grandioses, à la rencontre d’une faune et d’une flore sauvages dans un gigantesque projet photographique, hommage à la beauté de la planète. Sa vie et son travail nous sont révélés par les regards croisés de son fils, Juliano, qui l’a accompagné dans ses derniers périples et de Wim Wenders, lui-même photographe. » (source : Allociné)
Mon avis :
Difficile de choisir entre la rubrique « photographie » ou « voyage » pour ce film assez incroyable. Véritable Ode à la nature, l’oeuvre colossale de Salgado est bien mise en avant dans ce documentaire à la gloire du photographe. Mais même si vous n’êtes pas un fervent amateur des clichés noir et blanc du brésilien, je vous conseille quand même de regarder ce film. Vous y découvrirez une certaine vision de la photographie de nature et de voyage, celle d’un Salgado qui semble presque immortel et à la production inépuisable. Il faudra cependant mettre de côté la partie assez « mégalo » du personnage, qui veut « faire un hommage à la terre et à l’univers » et explique qu’il est finalement très simple de replanter une forêt… Ne nous voilons pas la face, Salgado reste une incroyable exception dans un univers de la photographie qui ne peut même plus être considéré comme étant « en crise » tellement la situation est problématique…
Mais même pour un photographe qui peine à vivre de ses images, il est très intéressant de se documenter et s’inspirer de grandes figures de la photographie comme Salgado. Sa façon de composer, de construire ses images, la force de son noir et blanc, les histoires qu’ils racontent, sont autant de sources d’inspirations et d’enseignements qui permettent de nourrir son regard.
« Un photographe de guerre et père absent, qui s’est plus occupé de son appareil photo que de ses 4 filles, coule des jours heureux dans les Alpes avec sa nouvelle compagne. Il va voir sa vie basculer le jour où son meilleur ami va tenter de le réconcilier avec sa famille en leur racontant un gros mensonge. »
Mon avis :
J’inclus ce film dans la sélection « photographes de guerre ». Même si le casting laisse perplexe lorsque l’on découvre l’affiche et le synopsis, une fois devant l’écran, ça devient un peu plus clair. Mais le plus fort dans l’histoire, c’est que Lelouch arrive à faire un film sur un reporter de guerre, même à la retraite, sans montrer une seule image de guerre, tout en arrivant à mettre en lumière les ravages que cette dernière à fait sur le bonhomme. Très gros rebondissements et très forte décharge émotionnelle, ce film a surtout le mérite de dresser le portrait d’un reporter de guerre à la retraite, ce qui est malheureusement assez rare ! A voir !
Dernièrement, j’ai eu la chance et le plaisir d’interviewer le photographe Eric Bouvet, un grand nom du photojournalisme, ancien de l’agence Gamma, cinq fois lauréat du « World Press Photo » et également fascinant globe-trotter.
Cela fait plus de 30 ans que tu es photographe professionnel, pourquoi avoir choisi ce métier ?
Eric Bouvet : J’ai commencé la photographie comme amateur avant de véritablement en faire mon métier. Lorsque j’étais à l’école, j’étais bon en dessin, j’aimais bien l’histoire, l’aventure, ce qui se passait dans le monde… Je me suis toujours intéressé à l’image fixe. J’ai appris la photographie en autodidacte, en lisant des bouquins et à l’époque, le magazine « Photo Reporter ». Je rêvais en regardant les photos de ces photographes. Mon leitmotiv a rapidement été de rentrer à Gamma.
Tu intègres cette prestigieuse agence à seulement 20 ans, comment cela s’est déroulé ?
En fait, je suis entré à Gamma par ce qu’on appelle la « petite porte », c’est à dire le labo. Tous les jours, j’arrivais à l’agence à 5h du matin pour plonger les films de tous les photographes en mission dans le monde entier ! Et puis ce qui était complètement incroyable, c’était d’avoir les clés de l’agence et de l’ouvrir tous les matins !
Oui. Cette période n’a pas duré longtemps, car on m’a rapidement donné ma chance et j’ai enfin pu « prendre les Boeings ». A l’époque, tu étais le « King » quand tu montais dans un 747 ! C’était tout simplement incroyable d’être parachuté à l’autre bout du monde, les gens te respectaient.
Aujourd’hui, on dit que le photojournalisme est un métier plus dangereux qu’avant, mais ce n’est pas vrai. Avant, tu partais seul, sans moyen de communication et pendant plusieurs semaines sans donner de nouvelles.
Avec le recul, je ne sais même pas comment j’ai fait pour me sortir de situations dingues.
Quel a été le reportage qui t’a le plus marqué ?
C’est sans doute la mort de la petite Omayra en 1985 lors de l’éruption du volcan Nevado del Ruiz en Colombie… J’ai fait 5 minutes de photos et je suis allé vomir… En rentrant, on m’a insulté, mais pourtant j’ai fait le choix de ne faire que du plan large, à l’inverse des autres…
Tu es ce que l’on appelle un « témoin de l’Histoire » car tu as vécu et photographié de grands événements marquants, quel regard portes tu sur ces dernières années ?
Aujourd’hui je suis réellement photographe car je commence à bosser plutôt bien. Avant je ne me rendais pas compte de la force de l’image.
Je ne suis pas heureux de ce que j’ai fait, par rapport à ce que j’ai donné physiquement et psychologiquement. Aujourd’hui je me sens plus mûr et j’ai des regrets de ne pas avoir eu ce regard plus tôt.
Que penses-tu de la jeune génération de photo-reporter ?
D’abord ces jeunes sont pour la plupart bien meilleurs que moi. Ils sont arrivés avec internet et le numérique et ont tout bouleversé. A la fois ils me bouffent et en même temps me nourrissent. C’est grâce à eux en partie que j’évolue. Ils sont plus mûrs que moi à mon époque, car ils sont mieux informés. Il y avait moins d’images à l’époque.
Quand tu commences ce métier, tu regardes ce qui a été fait, tu te nourris des images des autres et ton oeil les critique, les analyse, les digère, et tu te dis, c’est ça que j’aime ou que je n’aime pas. Et puis, la photographie, c’est des modes. On ne photographie pas de la même façon dans les années 80 qu’aujourd’hui, et c’est tant mieux. Les tendances évoluent également dans les magazines.
Justement, est ce que tu penses que les magazines de grand reportage et de voyage ont perdu de l’intérêt du fait de la démocratisation de la photographie ?
Les gens continuent à lire des magazines comme « Géo » ou « 6 mois » parce que c’est bien fait. Mais force est de constater que les gens ne profitent plus du moment.
Il n’y a qu’à observer un concert : tout le monde à son téléphone en l’air ! Ou dans un car de touristes, il y a des photos dans tous les sens.
Nous sommes inondés d’images, notamment sur Facebook, c’est à vomir ! Tout le monde à besoin de montrer qu’il est là avec ses photos…
Quel est le problème ? La technologie ?
C’est bien la technologie, c’est formidable de ramener des souvenirs, mais ce n’est pas une raison pour faire n’importe quoi.
Le numérique c’est le gratuit, c’est le consumérisme, c’est appuyer sur un bouton, encore et encore. Mon leitmotiv, c’est de n’appuyer qu’une fois, parce que je n’ai pas envie de perdre du temps sur l’ordinateur. Cela ne m’intéresse pas de tourner autour de mon sujet.
Quels conseils donnerais tu au voyageur qui veut prendre de meilleures photos ?
Ne pas s’embêter avec le matériel ! Prenez un appareil léger pour prendre de petites images pour le plaisir. L’objectif ne doit pas être de chercher à refaire une carte postale et de ramener des kilomètres de trucs mal faits.
Et puis, ce n’est pas parce qu’il ne fait pas beau que le souvenir va être mauvais. J’ai fait mes meilleures photos par mauvais temps.
Mais le plus important, c’est de respecter la lumière. A cause des logiciels comme Photoshop, les gens déclenchent en pensant qu’ils vont retravailler leurs images, ce qui donne des choses mauvaises, sans contraste…
Tu donnes des cours de photographie à travers des « workshop », peux tu nous en parler ?
Je donne des conseils à des groupes de 6 à 12 personnes en fonction des lieux. Il n’y a pas de niveaux demandés, d’ailleurs je trouve cela absurde car comment peut-on se donner une note soi-même ? L’essentiel c’est le partage et la découverte.
A ce jour, j’ai eu plus de 600 stagiaires. Cela coûte 185 euros la journée à Paris pour les sessions de groupe et 350 euros en session individuelle. Je suis très content de pouvoir partager mon expérience, même si cela fait que je fais de moins en moins de prises de vue.
Certains pensent que tu es un privilégié du fait de ta carrière et de ta reconnaissance dans un univers de la presse en crise…
C’est difficile pour tout le monde et ce n’est pas parce que je connais les rédacteurs photos des magazines que je travaille plus que les autres ! J’ai deux enfants en fac, un loyer à payer et un frigo à remplir.
Aujourd’hui je ne peux plus bouger le petit doigt, il n’y a plus de garanties pour les reportages, je reste chez moi et je regarde les autres partir…
Il me faut donc me motiver et trouver des sujets différents. Faire autre chose… Mais c’est comme dans tous les métiers, on pousse les vieux dehors…
C’est à la fois compréhensible mais difficile à accepter. Surtout quand les rédacteurs photos te disent qu’ils te font plus confiance car je suis toujours rentré avec une histoire et que je sais raconter. Quand on est jeune on a moins d’expérience pour le récit, c’est normal. Même chose pour l’éditing, ça s’apprend avec les années.
Tu as quand même reçu de nombreux prix prestigieux, comme par exemple le World Press Photo ou le Visa d’Or pour ne citer que ces deux…
Je n’ai jamais couru après les prix, mais j’aurais pu en avoir plein d’autres. Je suis super content lorsque j’en reçois un, mais ce n’est pas ça qui va me donner du travail… Peut être que pour un jeune c’est différent, car ça va le propulser.
Pour moi la liberté est le plus important. Je peux me promener partout avec mes deux petits boîtiers, je n’ai presque pas besoin de sac, c’est l’idéal ! Cela me permet de faire des images qui me conviennent.
Je n’utilise quasiment qu’un 35mm et un 50mm pour ne pas détruire la scène que je photographie. Cela me permet de vivre ce que je photographie, je suis avec les gens, je vis avec eux.
Est ce que tu fais partie des photographes professionnels qui utilisent leur smartphone pour photographier ?
Très rarement. Je l’utilise pour me souvenir d’un truc ou pour mettre une bricole sur Facebook. La focale de l’appareil photo d’un téléphone ne me correspond pas. Il y a des gens qui pensent être des artistes grâce aux applications comme « Hispamatic », mais je les mets au défi de faire les mêmes images sans le filtre.
Tout le monde ne peut pas être photographe, construire une histoire, savoir regarder, tout simplement. Moi je ne suis pas architecte, ni médecin, ni comptable, ni plombier, ni aucun autre métier, je suis photographe.
En écrivant cet article, je sais pertinemment que je ne vais pas plaire à tout le monde. Mais ce sujet mérite de s’y arrêter et comme toujours, je ne prétends pas détenir la vérité, les commentaires (pertinents) sont les bienvenus à la fin de ce post !
Un photographe est par nature un être qui a du caractère, de l’égo et qui ne respire pas toujours l’humilité. C’est un fait. Et c’est tant mieux, parce que la photographie est un moyen d’expression, un art à part entière qui demande presque tout le temps une prise de position. Même un photographe de presse est rarement objectif…
On peut remarquer cela sur les réseaux sociaux, espace qui a libéré la « parole », et sur lequel des groupes et autres pages ont été créés justement pour parler photo… et critiques photos. Un sujet revient de façon régulière et à chaque fois en filigrane : celui du statut de photographe professionnel.
Comment définir ce statut ? Qui est photographe professionnel ? Mais au fait, qui est photographe ?
Ces questions peuvent paraître stupides, et pourtant elles font débat. Un débat souvent virulent.
Les photographes amateurs sont en train de détruire le métier de photographe professionnel.
C’est la conclusion de beaucoup de photographes vivant de leur production photographique aujourd’hui. Il est clair que la photographie est devenue accessible à tous. Le matériel est de plus en plus abordable et il est facile d’apprendre en quelques clics à s’en servir grâce à internet.
Par ailleurs, le statut d’auto-entrepreneur a bouleversé ce métier en permettant à des amateurs éclairés de faire de leur passion, une activité légalement rémunérée et ainsi un complément de revenu.
C’est justement cela le problème. Ce type de photographe, que l’on peut qualifier de « semi-professionnel », va proposer ses services de photographe à des entreprises ou des institutions, en plus de son activité principale. Première conséquence pour les photographes professionnels vivant à plein temps de leur activité : la perte de clients et de marchés. C’est la triste loi de la concurrence.
Plus grave cependant, ces « semi-professionnels » ne sont souvent pas au courant de ce qu’est un droit d’auteur ni des nuances de ce métier (justement parce qu’ils ne le considèrent pas vraiment comme un vrai métier). En prenant le statut d’auto-entrepreneur, ils se font rémunérés comme simples prestataires et ont tendance à casser les prix. Normal de leur point de vue, car ils n’ont pas la pression financière d’une personne qui vit à 100% de ses images. Du coup, une entreprise, même consciente de la différence de qualité d’une prestation de pro, choisira presque tout le temps le moins cher. Ce qui a pour conséquence une baisse généralisée des prix et donc la précarisation de TOUTE une profession.
Le « salarié-auto-entrepreneur passionné » a-t-il conscience de cela lorsqu’il propose ses services à prix bradés ? Peut-être, mais pourquoi s’en soucier lorsque l’on peut se vanter de « travailler comme photographe »…
Les photographes amateurs ne détruiront pas le métier de photographe professionnel.
Ne soyons pas non plus trop négatif. La photo amateur n’est pas un scoop, loin de là. Dans mon mémoire sur le photojournalisme, rédigé dans le cadre de mes études à l’IEP, je reviens sur cette influence très limitée et surtout très ancienne.
De plus, on peut quand même penser qu’une entreprise, une institution et même un couple de fiancés préféreront faire appel à un vrai professionnel. Car même si le prix est un argument central pour tout choix de prestation, la qualité et la crédibilité le sont tout autant.
Au photographe professionnel de se démarquer et prouver qu’il est légitime (et de toutes façons, il n’a pas vraiment le choix !)
Un autre élément me fait penser que la guerre n’a pas vraiment lieu d’être. Une chose est sûre : tout le monde aimerait vivre de sa passion un jour. Par contre, ce n’est pas dit que tout le monde fera ce choix… et surtout, prendra ce risque.
« Wouaa tu es photographe ! »… « Mais tu arrives à en vivre ? » (Copyright Fred Scheiber) 😉
Je vois beaucoup de photographes amateurs autour de moi et sur le terrain, qui me disent vouloir « un jour en faire leur métier ». J’ai juste envie de dire : bon courage !
Je ne pense pas du tout que ce n’est pas possible, ou pas légitime. Tout le monde à le droit de faire ce qu’il veut et encore heureux ! Le problème, c’est que l’on n’a pas souvent conscience des réalités.
Cette année encore, en 2014, un sondage met en première place des « métiers de rêve », celui de photographe. Cela fait bien rire lorsque l’on voit comment est traité un pro par une entreprise ou une institution qui volent des photos, qui sous-payent, ou qui payent 6 mois plus tard…
Mais restons positif et optimiste. Aujourd’hui, tout le monde peut photographier. Compact à moins de 100 euros, Instagram, Flickr, etc… Jamais il n’y a au autant de photographies réalisées et surtout diffusées dans le monde !
Au final, c’est une excellente chose pour l’univers professionnel, car il y a une sensibilisation plus grande à la photographie. Cet art est accessible et les amateurs et autres passionnés peuvent facilement se renseigner, apprendre, s’éduquer et apprécier.
Au fond, la photographie c’est un partage. Lorsque l’on photographie, on décide de capter quelque chose pour soi, mais aussi pour les autres. Le fait qu’il y ait autant d’images de produites dans le monde est une très bonne chose car cela fait de la photographie un média populaire et apprécié.
La guerre des photographes n’aura pas lieu
Le métier de photographe est en constante mutation, tout comme l’est le monde de la presse. Les photographes amateurs ou semi-professionnels y sont pour beaucoup dans cette évolution. C’est très regrettable pour un pro de perdre un client à cause d’un amateur. Mais c’est surtout regrettable que l’entreprise ou l’institution fasse ce choix ! Tout comme il est extrêmement regrettable de voir les titres de presse licencier des photographes et publier des images libres de droit (réalisées bien souvent par des amateurs).
Faut il pour autant profondément haïr et maudire le photographe de concert offrant ses images à la boite de production, ou le passionné qui remplie le book d’une mannequin (elle aussi amateur) à l’œil, ou encore le voyageur qui rempli les serveurs de Flickr de photos désormais légalement distribuables par Yahoo ?
Bien sûr que non.
Mais au-delà de leur dire simplement « bon courage », autant leur expliquer en quoi leurs envies et leurs choix, peuvent avoir des répercussions directes et dramatiques sur une profession qui peine déjà à évoluer dans le bon sens…
Thomas Goisque est un grand reporter au sens le plus noble du terme. Voyageur, aventurier, ce photographe au long cours a fait le tour du monde avec ses boitiers afin de ramener les meilleures histoires et les plus belles images pour la presse magazine nationale. Rencontre.
Destination Reportage : Comment avez vous commencé la photo ?
Thomas Goisque : Après avoir terminé mes études de photographie à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs », je suis parti un an en Asie du Sud Est pour un reportage avec une association humanitaire. Je faisais alors mes premières photos de reportage. Ensuite, à mon retour en France, je suis devenu photographe du Gouverneur Militaire de Paris et je me suis engagé comme casque bleu pendant 6 mois, puis je suis parti à Sarajevo.
Qu’est ce que l’armée vous a apporté ?
C’était une opportunité d’expérience et cela correspondait avec ce que je voulais faire, à savoir partager des aventures humaines et les mettre en images. L’armée est un milieu que je connais bien, j’en connais les codes. C’est important lorsque l’on est sur le terrain, c’est important de savoir comment réagir. Et puis, il faut dire que cela m’a permis de réaliser un reportage de huit pages dans le Figaro Magazine et de faire un livre. J’ai également obtenu le prix Marc Flament du Ministère de la Défense en 1995.
Aujourd’hui, arrivez vous à vivre de ces voyages et de vos reportages ?
J’en vis depuis plus de 20 ans. Mais c’est de plus en plus difficile car aujourd’hui j’ai cinq enfants… Et puis, c’est de plus en plus difficile d’intéresser les magazines. C’est encore plus dur pour ce qui est de l’édition. C’est plaisant de pouvoir publier son travail dans un livre, mais cela ne fait pas vivre les gens.
Vous avez plusieurs livres à votre actif, notamment avec l’aventurier Sylvain Tesson. Comment l’avez vous rencontré ?
J’ai rencontré mon ami Sylvain à l’occasion d’un reportage pour le Figaro Magazine. Il s’agissait d’un reportage sur la marche des évadés du Goulag en Sibérie.
Vous avez parcouru le monde avec vos appareils photos, cela fait il de vous un « voyageur professionnel » ?
J’ai réalisé des reportages dans le monde entier par opportunité. Je n’ai pas de leçons à donner sur le voyage. J’essaye simplement de vivre de mes photos. Je pense que c’est lié à mon enfance et d’une profonde envie d’aventure. Au fond, je n’ai jamais été un grand passionné de photo, c’est venu assez tard. Pour moi l’appareil photo était l’objet qui pouvait me permettre de voyager.
Je pense que c’est devenu un métier impossible. Cela fait 25 ans que je travaille et j’ai des connections dans la plupart des rédactions, mais c’est cependant de plus en plus difficile. Il y a eu une transition dans les rédactions. Les journalistes ont été remplacés par des personnes tenus par les financiers, et qui ne comprennent pas par exemple que lorsque l’on part en Irak, il faut payer un fixeur…
Quel est votre meilleur souvenir de reportage ?
Sans aucun doute notre aventure avec Sylvain Tesson autour du Lac Baïkal en side-car…
Récemment, j’étais invité à la première d’un documentaire sur Jean Dieuzaide, réalisé par Philippe Roussilhe sur une idée de Jannick Ser. Avant d’être diffusé sur l’antenne de France 3, c’est au musée des Abattoirs de Toulouse que ce 52 minutes a été présenté pour la première fois sur grand écran.
Inutile de faire état de mon enthousiasme quant à ce petit événement, s’inscrivant dans une période faste pour l’héritage de Jean Dieuzaide. En effet, 2014 est une belle année anniversaire de l’oeuvre de ce grand photographe, qui en a inspiré tant d’autres. C’est d’ailleurs l’angle de ce documentaire. A travers le regard de trois photographes reconnus, Philippe Guionie, Hervé Lequeux et Anne Rearick, les auteurs parlent de Jean Dieuzaide, mais avant tout de photographie.
C’est de mon point de vue (de photographe), la force de ce documentaire. Qu’est ce que la photographie ? Quel est l’intérêt de l’acte photographique ? De grandes questions, dont au final chacun a ses propres réponses. C’est cependant intéressant d’avoir celle du Toulousain Philippe Guionie. Son travail, que l’on retrouve dans la presse, les galeries d’art et sur son site internet, est empreint de l’héritage de Jean Dieuzaide, même s’il clame haut et fort dans ce film, qu’il ne se revendique jamais d’un seul « courant ».
Au delà de ce regard croisé sur la photographie, on apprend qui était Jean Dieuzaide. Ce grand Toulousain, talentueux et généreux, précurseur et voyageur, intervient à travers des archives audio et vidéo dans ce documentaire. Des anecdotes et des « explications » de photographies célèbres, comme celle de « la petite fille au lapin » ou de « la Gitane » viennent enrichir ce document si important pour la mémoire de la photographie.
Ce documentaire est produit par « Les films Figures Libres » et sera diffusé sur France 3 Sud Ouest le vendredi 26 septembre 2014 à 22h30, puis sur France 3 Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon le samedi 27 septembre 2014 à 15h20.
Je vous invite vivement à le regarder et partager votre point de vue sur ce film dans les commentaire de cet article 😉
Actuel directeur du Château d’Eau, Jean-Marc Lacabe, remplace Michel Dieuzaide en 2001, à la tête de cette institution de la photographie fondée par Jean Dieuzaide il y a maintenant 40 ans. Rencontre avec un passionné de photo d’art.
Destination Reportage : En tant que directeur du Château d’Eau, quelle est votre mission ?
Jean-Marc Lacabe : Ma mission est strictement éducative, car une telle structure s’adresse d’abord au public. Nous avons une programmation assez ouverte, cela va des photographes historiques aux nouveaux talents. Je considère que c’est le passé qui éclaire le présent et l’avenir, mais si on ne tient pas compte des nouvelles générations, on s’éteint. Nous avons une mission d’éveil. Mais nécessairement le pendant de cette position est l’aide à la création.
Comment cela se traduit-il concrètement ?
Nous aidons à la création et à la production. Exposer ses œuvres au Château d’Eau est une forme de reconnaissance, il arrive que cela soit un tremplin. Nous avons deux salles dans la « grande galerie » dans la tour, et une petite galerie au sous-sol, dans laquelle sont justement présentés de jeunes artistes.
Cet objectif était il celui de Jean Dieuzaide lorsqu’il a créé ce lieu d’exposition il y a 40 ans ?
Oui. L’idée était d’apporter la connaissance de la photographie au public, montrer des œuvres qui constituent des repères pour les gens.
Cela semblait évident de faire quelque chose sur Doisneau qui fut le premier à être exposé en 1974 au Château d’Eau. Et encore plus évident d’inclure Jean Dieuzaide. La diffusion de la photographie en France lui doit beaucoup. Notamment à travers ce lieu d’exposition permanent.
Quelles sont vos ambitions pour le Château d’Eau ?
Le raser et construire une pyramide dédiée à la photographie sur la place du Capitole à la place ! (Sourire). Je souhaite maintenir et redonner de l’énergie à ce bâtiment. On y montre des choses que d’autres lieux ne montrent pas, ou qui ne sont pas toujours ouverts aux émergents.
Aujourd’hui il y a de très nombreux événements dédiés à la photographie en France, notamment plusieurs festivals…
Il y a certes une prolifération importante de festivals, mais c’est bien d’avoir des lieux qui calment cette frénésie. La rencontre avec l’art nécessite du temps et de la réflexion ! Aujourd’hui il y a beaucoup de productions photographiques car la technologie le facilite. Il y a de plus en plus de gens qui ont besoin de trouver un moyen de se distinguer. D’ailleurs Pierre Bourdieu l’avait déjà souligné dans « Un art moyen, Essai sur les usages sociaux de la photographie ».
Le Château d’Eau est très réputé dans l’univers de la photographie en France et dans le monde…
Je constate en effet que pour les jeunes générations de photographes, c’est encore un lieu qui compte. Je me rends compte de la légitimité du Château d’Eau, même hors de France ; il arrive souvent que de jeunes photographes étrangers viennent me solliciter pour des lectures de portfolio. Il y a peu de centres photographiques forts en France. D’ailleurs, notre centre documentaire est le deuxième plus important de France ! Historiquement, la photographie a trouvé sa place à Toulouse. Par exemple la troisième Société de photographie, après Londres et Paris, s’est créée ici. Pourtant, on pourrait espérer que le Château d’Eau ait plus de moyens de se développer. Il manque de place et de budget. Seule la ville supporte les activités de cet établissement.
Cette année nous fêtons les 40 ans du Château d’Eau, toute première galerie municipale dédiée à la photographie en France. En 1974, c’est Robert Doisneau qui a ouvert le bal en étant le premier à y être exposé. Depuis, les plus grands et les plus talentueux photographes du monde y sont passés au moins une fois. Beaucoup ignore que c’est Jean Dieuzaide un photographe toulousain et ami de Robert Doisneau qui a fondé cette institution aujourd’hui mondialement connue et reconnue. Le 10 septembre prochain, une exposition hommage Dieuzaide/Doisneau sera présentée au public afin de rendre hommage au créateur de la galerie ainsi qu’à son ami de toujours et son alter égo parisien.
Michel Dieuzaide, le fils du photographe et pendant un temps directeur du Château d’Eau, présente cette exposition inédite qui a pour but de montrer l’approche identique des deux photographes humanistes à travers leurs travaux.
J’ai eu la chance de feuilleter le superbe catalogue de cette exposition avant même qu’il parte chez l’imprimeur, et je peux vous dire que cette exposition promet d’être incroyable !
En 1968, lors d’un vernissage à la Bibliothèque Nationale de la rue de Richelieu à Paris, Jean Dieuzaide s’était publiquement offusqué de voir des photographies présentées sans cadres, sur des contreplaqués, dans un coin relégué de l’établissement… Il s’agissait d’une exposition consacrée à Robert Doisneau !
Le toulousain fit alors à son ami la promesse d’un jour venger cet affront.
En 1974, Jean Dieuzaide inaugurait à Toulouse La Galerie du Château d’Eau avec une rétrospective consacrée à son ami parisien. Parole tenue ! Doisneau y sera de nouveau exposé en 1979 et 1994.
Seuls des amis photographes ayant ainsi eu la faveur de transgresser la règle de l’exposition unique en vigueur dans ce lieu…
Alors que Robert était assez désabusé sur son métier et la considération qu’en avaient aussi bien les pouvoirs publics que le milieu de l’art, Jean Dieuzaide avec la persuasion qu’on lui connaît,et dans la lutte constante qu’il mena pour donner à la photographie ses lettres de noblesse,parvint à convaincre son ami de lui confier ses négatifs. La plupart des tirages furent faits à Toulouse dans l’atelier de la rue Erasme. Et l’exposition inaugura le Château d’Eau. Doisneau confia peu après que cette rétrospective fut pour lui, le seuil d’un nouveau départ dans la reconnaissance de son œuvre.
Mais il s’agissait d’un temps ou la concurrence entre les photographes n’existait pas. Plutôt assimilés à des artisans qu’à des artistes, ils se soutenaient mutuellement, chacun faisant profiter l’autre de ses astuces, ses découvertes, et autres tentatives…
Entre Robert et Jean, cette attitude corporatiste n’avait pas cours, et se doublait d’une profonde estime réciproque. On mesure le tissage lent et sûr de cette amitié, à l’importante correspondance qu’ils ont entretenue, et aux rencontres régulières lors de vacances, de reportages, ou de salons consacrés à la photographie. Le toulousain eut le prix Niepce en 1955, et le parisien en 1957. Jean Claude Gautrand réalisa la monographie de Jean Dieuzaide en 1992 (Editions Marval), il vient de publier celle de Robert Doisneau (Editions Taschen).
La fréquentation assidue de chacune des deux œuvres a progressivement donné une évidence à la réalisation de ce projet. Non dans l’idée de les comparer, mais plutôt de montrer, combien deux hommes pratiquant le même métier à la même époque, avaient pu avoir, au travers de la photographie, une approche identique de leur temps et des humains qu’ils côtoyaient. De troublantes correspondances qui se sont le plus souvent faites sans que l’un n’ait connaissance des travaux de l’autre…
Il s’agit donc bien d’une attitude qui relève de la combinaison entre la pratique d’un métier à une certaine époque, et l’indéniable dimension humaine qui était la leur. Voilà où ce livre à deux voix peut avoir un sens, pour l’histoire même de la photographie. C’est du moins dans cet esprit
qu’il a été conçu, offrant le témoignage d’hommes, d’artistes, qui ont su donner à leur métier un engagement total. Créant ainsi les prémices d’un art que tout le monde aujourd’hui s’accorde à reconnaître comme majeur. Puisse cette trace d’amitié poser sur l’avenir incertain, un rai de lumière qui force l’adhésion des jeunes photographes à la noblesse de ce métier. Michel dieuzaide – Castelvieilh, Eté 2014
Photo : Jean Dieuzaide au chateau d’eau Toulouse (crédit : Courrière)