[=> Suite de notre série d’été sur le photographe Jean Dieuzaide]
Il y a 60 ans, un couple de funambules se disait «oui» sur un câble, à plusieurs mètres au dessus de la place du Capitole à Toulouse. Ce jour là, près de 20 000 personnes ont assisté à cette cérémonie pour le moins acrobatique. Parmi eux, un photographe a décidé de prendre le risque d’avoir LA photo que personne ne pouvait avoir.
Le 22 mai 1954, Jean Dieuzaide escalade une échelle de corde et, équipé de son boitier argentique, grimpe sur les épaules du père de la mariée avant de s’élancer à son tour mais sans sécurité, sur le drôle de fil, afin de réaliser un cliché qui fera le tour du monde. L’événement sera alors relaté dans le célèbre newsmagazine « Life » !
60 ans plus tard, l’équipe de funambules toulousains «Pyrénaline» s’apprête à reproduire cet événement marquant afin de rendre hommage au photographe qui créait il y a 40 ans à Toulouse, le Château d’Eau, la première galerie en France destinée uniquement à la photographie.
Cet événement hors du commun aura lieu sur la place du Capitole, le 11 octobre prochain, à partir de 16h !
Un documentaire est en cours de réalisation afin de raconter l’histoire de cette photo et revenir sur l’exploit photographique de Jean Dieuzaide. Afin de produire ce film et cet événement, l’association à l’initiative du projet est à la recherche de financement et de partenaires ! Une campagne de financement participatif est actuellement en cours. Rendez-vous sur ce lien pour soutenir le projet :
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Le 22 mai 1954, les habitants de la Ville rose se sont massés sur la place du Capitole. Il n’est pas question d’un événement politique ou sportif, mais d’un mariage, entre deux funambules. Jean Dieuzaide est alors aux premières loges de cette cérémonie aérienne… sur les épaules du père de la mariée !
C’est l’événement de l’année pour les Toulousains, qui sont près de 20 000 à être présents sur la place du Capitole. Ce jour-là, deux acrobates de la troupe des « Diables Blancs » ont décidé de faire d’une pierre deux coups en se mariant dans l’espace aérien toulousain et en profiter ainsi pour faire un énorme coup de pub.
La veille, Jean Dieuzaide calcule son coup. Il ne veut pas d’une photo des funambules, vue d’en bas. Ce qu’il souhaite, c’est avoir la foule derrière eux. Le photographe demande alors au père de la marié s’il est possible de grimper sur ses épaules le jour J. Celui-ci lui propose un essai… sur le trottoir. Le test étant concluant, ce dernier s’embarque alors pour son exploit photographique le plus fou de sa jeune carrière de photojournaliste.
Tandis que Betty et Roger s’avancent l’un vers l’autre, costumés et balancier en main, le jeune « Yan » grimpe difficilement une échelle de corde, son Rolleiflex autour du coup. Une fois en haut, le père de la mariée lui annonce qu’il ne peut pas se baisser et qu’il faudra grimper sur ses épaules. Dans un dernier effort tétanisant, Jean se hisse sur le funambules et se retrouve dans le vide, sans sécurité.
« Je me suis concentré sur mon travail, gardant l’oeil dans le viseur pour ne pas succomber à la frayeur » – confiera-t-il plus tard.
L’exploit plait à la foule, qui acclame le photographe. Tandis que la photo de Dieuzaide, prise sans flou de bougé et un cadrage parfait, fera le tour du monde, la performance du Toulousain sera relaté dans le très célèbre magazine « Life« .
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Photographier c’est prendre des risques. Afin d’obtenir le cliché que l’on souhaite, il faut savoir sortir de sa zone de confort et affronter des obstacles. Jean Dieuzaide l’avait bien compris et son incroyable carrière est là pour le rappeler. Ce photographe humaniste a souvent mis en danger sa vie pour avoir LA photo qu’il voulait et a du faire face, jusqu’à sa mort, à ses détracteurs.
Photographe acrobate
Rien n’arrête Jean Dieuzaide. Ce passionné d’aviation, depuis son enfance, demande à laisser la soute de l’avion ouverte tandis qu’il effectue, tranquillement, les pieds dans le vide, ses photographies aériennes. N’ayant apparemment pas le vertige, il a le reflex de prendre de la hauteur, dès qu’il le peut. On le voit se hisser en haut de la cheminer de l’ONIA (futur AZF), sans sécurité, ou encore grimper une échelle de corde sur la place du Capitole et s’asseoir sur les épaules d’un funambules pour immortaliser le mariage des Diables Blancs, toujours avec ses chaussures en cuir…
Citant Robert Capa, son maître, il brave le danger pour ramener les meilleurs photos dans son atelier de la rue Erasme, là où l’attendent sa femme et ses enfants.
Photographe bâtisseur
Révolté du traitement que l’on inflige aux photographes de son époque, il décide de prendre l’initiative de créer lui même la première galerie photographique municipale de France. Le Château d’Eau de Toulouse devient alors l’une des salles d’expositions les plus réputés au monde. Pendant des années, il gère lui même cette institution, la finançant avec ses propres deniers, jusqu’à ce que la mairie de Toulouse en prenne la gestion.
Son atelier photo situé au 7 rue Erasme est également une petite entreprise qui tourne presque 24h sur 24 ! Il va jusqu’à employer une demi douzaine de personnes pour gérer le tirage, l’archivage et la vente de sa production. A l’époque de l’argentique et de la machine à écrire, il parvient à concilier (non sans difficultés), travail, vie de famille et projets photographiques, jusqu’à ce que la maladie le prive de sa passion.
Photographe visionnaire
« Voir la vie dans un brin d’herbe ».
Jean Dieuzaide est un personnage complexe, aussi bien attaché aux traditions qu’au progrès. Ce père de famille intransigeant et longtemps considéré comme un photographe humaniste « classique », a, pour le citer, « le courage de ses opinions » et révèlera sa « part d’ombre » à travers son travail expérimental et abstrait sur « le Brai ». Tandis qu’il est en reportage (et accessoirement en voyage de noces) dans les mines de Carmaux, il trouve l’inspiration à travers des photographies de ce sous-produit de la houille dont sont extraites la glycérine et l’asphalte et prenant alors des formes « sensuelles ».
Face au scepticisme et aux critiques de ses collègues de l’époque, le Toulousain va jusqu’au bout de son expérience et exposera ce travail à de nombreuses reprises, entre Toulouse et Paris.
« Le brai a collé à ma chair jusqu’à m’en rendre fou ; un autre moi-même se débattait dans ces quelques carrés de glu ; un malaise démoniaque serrait ma gorge, provoquat mes sens, et m’incitait, en me précipitant dans cette ronde infernale, à photographier avec un plaisir malin, ici, là, et déjà plus loin, de peur de ne plus avoir le temps de saisir cet insolite » – Jean Dieuzaide
Photographe courageux
Au delà de ses acrobaties et autres exploits photographiques, Jean Dieuzaide a surtout eu le courage de ne pas se plier à la pression sociale de son époque. Il en paiera d’ailleurs très cher le prix. Tandis que son ami photographe humaniste et parisien, Robert Doisneau connaîtra le succès, Jean sera discrédité et oublié par ses pairs, principalement pour avoir fait le choix de ne pas vivre dans la capitale. Le parisianisme poussé de l’époque aura eu raison du Toulousain, amoureux du terroir gascon et des paysages régionaux.
Aujourd’hui, j’aimerais vous présenter l’un de mes films préférés sur la photographie. Il n’est pas tout récent puisqu’il a été réalisé en 1998 par l’excellent et complètement dingue John Waters. Pourquoi j’adore ce film ? Tout simplement parce qu’il apporte une touche d’humour et surtout d’optimisme à l’univers d’habitude assez morose de la photographie.
C’est un film que je conseillerais à tous les débutants en photo ainsi qu’aux professionnels las de leur quotidien et parfois si déprimants lorsqu’on les écoute parler de leur métier… Le personnage principal nous donne la pêche et donne envie de faire des photos.
Synopsis
Pecker est un modeste vendeur de sandwiches de la banlieue de Baltimore. Il a une passion: la photographie. Il fixe sur la pellicule son entourage et expose ses oeuvres dans le fast-food où il travaille. Le point est approximatif, le cadrage un peu bancal, mais c’est justement cette naive sincérité qui plaît a Rorey, galeriste new-yorkaise passant là par hasard. Pecker se retrouve propulsé de son petit village au Village new-yorkais, autrement plus chic mais autrement plus hypocrite…
Source : Allociné
Dites moi ce que vous pensez de ce film dans les commentaires !
Principalement connu pour ses photographies en Espagne de « Dali sortant de l’eau » ou encore la célèbre « petite fille au lapin », Jean Dieuzaide est aussi et surtout l’un des plus grands photographes « aériens » de sa génération. Né dans l’un des principaux berceaux de l’aviation, il est véritablement passionné par l’aéronautique.
« Je dois reconnaître que la photographie m’a choisi alors que je voulais être pilote, mais je ne regrette rien ». Jean Dieuzaide.
Devenir photographe n’est pas au programme pour le jeune Jean, qui prendra d’ailleurs le pseudonyme « Yan » pendant de longues années car il ne veut pas associer ce métier, qu’il ne juge alors pas assez prestigieux, au nom de sa famille. Le jeune toulousain veut préparer Saint-Cyr pour entrer ensuite à l’école de l’air de Chalon-sur-Saône et devenir Pilote.
Sa passion pour tout ce qui vole, le pousse à créer à 15 ans une section d’aéromodélisme à l’aéroclub de Cannes et il en devient président deux ans plus tard, « il y avait quand même plus de 200 personnes dans ce club ! » sourit sa femme.
La passion de la photo d’aviation
Changement de plan et de destin pour Jean Dieuzaide, il embrasse alors la carrière de photographe de presse… sans s’éloigner pour autant de sa passion pour l’aviation. Dès la fin des années 1940, il devient le photographe « officiel » de Sud Aviation (futur Airbus) et commence alors un imposant travail photographique sur les tarmacs de la région.
Concorde-fusée, 1967
Cependant, l’aviation ne lui apporte pas que des joies. En 1949, il brave une interdiction de photographier le vol d’essai de « l’Armagnac », premier gros-porteur long-courrier français de l’après-guerre, à Toulouse. Ayant habilement dissimulé son Rolleiflex sous un grand manteau noir, il réalise de superbes clichés du vol d’essai, qu’il revend en exclusivité à la revue « Les Ailes ». Quelques jours plus tard, la DST viendra frapper à sa porte et après un interrogatoire musclé, l’emmènera à la prison de Bordeaux. Mais bien qu’accusé d’espionnage « pour une puissance ennemie », Yan sera aussitôt relâché. Sud aviation réalise en 1956 qu’ils ne peuvent pas se passer de son tallent et de son expérience et feront appel à lui pendant de très nombreuses années.
Jean Dieuzaide à bord d’un Nord Atlas, porte de soute ouverte, en 1961
Le 11 décembre 1971, à l’occasion du premier roulage du Concorde, il rencontre André Turcat, pilote d’essai et futur fondateur de « l’Académie de l’air et de l’espace ». Une amitié va naître alors entre les deux hommes, qui vont ensemble réaliser un livre de photographies aériennes « Toulouse vue par les oiseaux ».
André Turcat lors du premier roulage du Concorde, 1971
Photographe acrobate
Afin de réaliser le cliché qu’il a en tête, le photographe ne recule devant aucun obstacle. Il grimpe en haut de l’église des Jacobins en 1950, puis sur des échafaudages en bois dans l’abbaye de Conques en Aveyron pour photographier des détails du tympan qui orne l’entrée de l’édifice en 1960. On le voit aussi grimper en haut de la cheminée de l’ONIA (futur AZF), sans sécurité.
Prendre de l’altitude au mépris du danger est devenu une seconde nature pour Jean Dieuzaide, qui s’invite au mariage aérien des « Diables Blancs », en mai 1954, en grimpant sur les épaules du père de la mariée, lui même sur un câble !
Visite de De Gaulle à Toulouse, février 1959.
Pour être sûr de pouvoir s’envoler à tout instant, il achète même un petit avion, un Piper Cub L-18. Il n’aura jamais le temps de passer son brevet de pilote mais obtiendra une licence pour pratiquer la photo aérienne en 1951. Il prend ses photos des Pyrénées, assis à bord d’un avion cargo ou d’un hélicoptère, portes ouvertes et jambes pendant dans le vide, aux limites de la sécurité !
Il s’écrase le 2 juillet 1950 tandis qu’il faisait des photos de la Garonne à très basse altitude. Le visage en sang, il s’extrait de la carcasse en feu de l’appareil, son appareil photo en main.
« On ne doit pas refuser l’obstacle, il faut s’obstiner, le franchir », écrit Jean Dieuzaide, citant Robert Capa, son maître.
Prise de vue à Sud Aviation en fauteuil roulant après un accident en mars 1972
Photo Emmanuel Decaillé
Le résultat de ces prises de risque est à chaque fois incroyable. A l’image de la photo du décollage de la Caravelle, qu’il réalisé en s’installant carrément au milieu de la piste avec l’accord des pilotes d’essai, tandis que l’appareil le frôle.
En 2005, la ville de Blagnac achète le fond photographique spécifique à l’aéronautique du photographe. La collection sera visible dans le musée de l’aéronautique « Aéroscopia », qui héberge déjà le Concorde et bien d’autres oiseaux métalliques que Jean Dieuzaide a immortalisé avec tallent et passion.
Auteur de l’unique biographie de Dieuzaide, Jean-Marc Le Scouarnec est responsable des pages culture de « la Dépêche du Midi »
Destination Reportage : Comment en êtes vous arrivé à écrire la première véritable biographie de Jean Dieuzaide ?
Jean-Marc Le Scouarnec :En fait, c’est l’éditeur, Claude Nori (éditions « Contre Jour ») pour qui Jean Dieuzaide a beaucoup compté, qui m’a proposé ce projet. Personne ne l’avait encore fait. J’avais déjà eu l’occasion de faire des papiers sur le Château d’Eau depuis mes débuts dans le journalisme, en 1986. Je connaissais l’homme, ce qu’il avait fait. J’étais un habitué du Château d’Eau, j’y ai vu beaucoup d’expositions et je l’ai croisé lorsque j’étais étudiant. Il faut savoir que Dieuzaide était une vedette à l’époque, il avait une aura très importante. Même auprès de ceux qui ne connaissaient pas la photographie ! Il a fait beaucoup pour la photo et surtout pour les autres, il avait une réputation internationale. Ce projet était donc aussi l’occasion de rencontrer d’autres photographes qui ont vécu à cette époque. Jean Dieuzaide, c’est une histoire de Toulouse, des années 1940 à 2000.
Vous avez écrit cette biographie avec l’aide de sa femme, comment cela s’est déroulé ?
Il faut dire que Jacqueline Dieuzaide a réponse à tout ! Grâce à elle, il y a une partie témoignage très importante dans le livre, en plus des archives de la Dépêche du Midi. En discutant avec elle, j’ai découvert des tas de choses sur lui. Son côté séducteur mais aussi chrétien, certains goûts pour la tradition mais aussi des expérimentations de choses complètement nouvelles. C’était un personnage plus complexe que ce que l’on pense. L’écriture de ce livre a duré environ un an, il faut dire que je faisais cela sur mon temps libre de journaliste de la Dépêche du Midi !
Comment expliquez vous que Jean Dieuzaide soit aussi peu connu aujourd’hui malgré ce très riche héritage ?
Quand il a ouvert le Château d’Eau, il a mis sa carrière à l’écart. De ce fait, il a été un peu oublié dans le monde de la photographie en France. Et puis il a été un peu mis de côté par les photographes parisiens qui le voyaient comme un simple provincial. Selon ses détracteurs, il s’est trop diversifié. D’ailleurs, il a été longtemps considéré à cette époque comme un photographe humaniste, ce qui n’était pas alors vraiment à la mode… Cependant, il est indéniable que, s’il avait fait à Paris, tout ce qu’il a fait à Toulouse, il serait aujourd’hui bien plus connu !
Certaines de ses photos ont néanmoins fait le tour du monde…
En effet, celle du mariage des funambules est probablement la plus connue. Mais l’événement en lui même était déjà incroyable et la manière qu’il a eu de le photographier était formidable ! Il a d’ailleurs eu une parution dans « Life » pour l’occasion, LE magazine de reportage le plus prestigieux au monde.
Jean Dieuzaide, la photographie d’abord – mon avis
Publié aux éditions « Contre Jour » en mai 2012, cet ouvrage est à ce jour la première biographie de Jean Dieuzaide. Son auteur nous plonge dans les archives de cet incroyable photographe et nous livre des dizaines d’anecdotes sur la vie du photographe toulousain le plus connu de son époque. Fruit d’une année de travail aux côtés de Jacqueline Dieuzaide et enrichi par des décennies d’archives de « la Dépêche du Midi », titre de presse quotidienne régionale pour qui Jean Dieuzaide collabore depuis ses débuts dans la presse, ce livre est également un « manuel » d’histoire de Toulouse et sa culture photographique de l’après-guerre à nos jours. Très complet et agréable à lire, l’ouvrage est illustré par de nombreuses photos d’époques, introuvables sur internet, sinon dans le mythique atelier du 7 rue Erasme de Toulouse, toujours gardé et habilement géré par Jacqueline Dieuzaide.
Il y a 40 ans, le photographe toulousain Jean Dieuzaide fondait le Château d’Eau, l’une des principales institutions de la photographie en France, encore aujourd’hui ! Il y a 60 ans, cet aventurier de la photographie devenait mondialement connue pour son exploit photographique lors du mariage des diables blancs, sur la place du Capitole : assis sur les épaules d’un funambule, il immortalise un mariage aérien. Sa photo fait alors le tour du monde et finit même dans le célèbre magazine « Life ». Retour sur le parcours exceptionnel de ce photographe hors-normes.
L’appareil photo est un outil. Au delà du markéting harassant de Canon, Nikon et les autres, il ne faut pas oublier ce fait. Lorsque l’on est professionnel, on le comprend plutôt bien. Partant de là, il suffit de réfléchir au type de photographies que vous souhaitez faire et surtout, ce que vous voulez en faire. Une fois que vous aurez répondu à ces deux questions, il vous faudra vous intéresser aux caractéristiques des différents modèles d’appareil. Parmi elles, les plus importantes pour le voyage, sont, selon moi, les suivantes.
La taille (et le poids)
Parfois même il n’y a pas vraiment le choix. Si vous partez comme je l’ai fais, 2 mois pour parcourir 9000 km avec un sac à dos de 40L, votre matériel photo n’a pas intérêt à être très volumineux. Surtout s’il y a des passages « montagneux » ou à risque dans votre périple. Par ailleurs, c’est bête, mais la taille (et l’allure) compte bien plus que ce que l’on croit, et pas forcément pour les bonnes raisons. Dans certaines situations, il est préférable d’avoir un boitier plutôt discret. Déjà pour ne pas se faire remarquer (ou même voler) et pour pouvoir également approcher et photographier des locaux (vous aurez plus facilement le consentement de la personne si elle comprends que vous n’êtes pas « professionnel », ce qui est justement complètement idiot car cela ne veut rien dire). De la même façon, avoir un look de « pro » peut vous apporter des avantages à condition de bien s’y prendre.
Ma sélection :
Il m’arrive encore d’utiliser ce petit compact (P340) lorsque je pars en voyage ou même en reportage pour la presse. Il est très petit, se cache au besoin (et oui ça arrive de devoir planquer son boitier !) et surtout il est super pratique : léger, efficace, il filme en fullHD et la sensibilité du capteur est assez sympa. Cependant, le meilleur choix pour moi reste « l’entrée de gamme professionnelle » (encore du markéting) de Nikon, à savoir le D610 (qui remplace le D600). C’est surtout le capteur qui change tout. Il est « full frame », c’est à dire avec plus grand. Cela vous permet concrètement d’avoir des images bien plus intéressantes et d’utiliser des optiques bien meilleures. Ce dernier point est assez technique, j’y reviendrai prochainement dans un nouvel article. En attendant, n’hésitez pas à laisser un commentaire ou à me contacter pour plus d’informations.
Le mode manuel
Oubliez le mode automatique. Vous vous embarquez aussi bien dans une aventure humaine que photographique. C’est l’occasion rêvée pour apprendre à faire des photos, seul comme un grand, et pas avec des paramètres calculés par l’appareil. Pas besoin d’avoir forcément un reflex professionnel pour cela. Certains compact dits « professionnels », même si cela reste encore un argument markéting, ont un mode manuel (M), ouverture (A) et vitesse (S).
Pourquoi faut il bannir le mode automatique ? En contrôlant vous même la vitesse et l’ouverture de votre monstre, vous aurez la possibilité de faire des images différentes que ce que vous propose l’appareil de lui-même. Vous pouvez ainsi décider de « flouter » l’arrière plan (c’est à dire limiter la profondeur de champ) et bien d’autres effets encore !
La question des optiques
Là pour le coup, cela concerne les reflex ou à la rigueur, les hybrides. La qualité d’une photographie provient plus de l’optique que du boitier. Il faut le savoir. Un compact et un bridge ne vous laisseront pas le choix. Vous aurez une seule optique avec un zoom que je vous déconseille d’utiliser car sans intérêt si vous cherchez la qualité de l’image. Pour ma part, j’adore les optiques fixes. Je travaille essentiellement au 20mm 2.8 et au 50mm 1.4. C’est surement du chinois pour certains d’entre vous. Je m’explique. Une focale fixe permet d’avoir un seul cadre, à la différence du « zoom » qui permet de se projeter sur le sujet lointain sans bouger, comme avec des jumelles. Alors quel intérêt de devoir s’avancer pour se rapprocher du sujet alors qu’il suffirait de tourner la bague de l’objectif me direz vous ? Déjà, justement pour bouger ! Robert Capa n’a t il pas dit « si ta photo est mauvaise, c’est que tu n’étais pas assez près » ? Bon, ce n’est pas le même contexte. Mais avoir cette « contrainte » du déplacement permet de plus réfléchir au cadre et d’être plus créatif. Cependant, préférer une focale fixe est surtout liée à la qualité de ces dernières. Ces optiques ont un piqué souvent bien supérieur, c’est à dire une capacité à rendre plus nettes et précises les images. Les inconvénients sont quand même nombreux : plusieurs optiques donc plus de poids, plus de places, la contrainte de changer, parfois en urgence, et risquer de les faire tomber, les abimer. Bref, c’est un choix !
Ma sélection :
Le prix peut déstabiliser, mais croyez moi, ce sont d’incroyables optiques, que j’utilise au quotidien, et qui seront vos plus fidèles alliés pour vos voyages ! Je vous conseille d’acheter ce genre de produit d’occasion, car c’est moins cher et pas forcément à risque (à condition d’acheter aux bons endroits, par exemple chez Numériphot à Toulouse). Pour ceux qui ne veulent acheter que du neuf, Amazon est définitivement la meilleure solution : bien moins cher que les autres revendeurs et super efficaces pour la livraison sans coût supplémentaire…
La sensibilité ISO
C’est à dire la capacité de l’appareil à être performant y compris dans les conditions de basses lumières. Et oui, parce que vous allez souvent être en situation de faire des images la nuit tombée, si ce n’est pas pour le traditionnel coucher de soleil en bord de mer… Lorsque la lumière se fait rare, photographier devient de plus en plus dur. En même temps, c’est logique, car photographie signifie littéralement « écrire avec la lumière ». Mais les marques ont trouvé un moyen pour vous d’écrire sans lumière (ou presque). Sous le terme barbare d’ISO, se cache un principe très simple. Le capteur de votre appareil va avoir une certaine sensibilité à la lumière, que l’on nomme ISO. Vous voulez briller en société et dégommer un ami photographe pro, dites lui que cela signifie « International Standard Organisation » (et paaaf !). Pour faire court, plus votre boitier peut « monter » dans les ISO, et moins il y a de « bruit numérique » dans vos images, c’est à dire une sorte de grains un peu dégueulasse sur vos images (je vous passe les longues explications de ce phénomène). Concrètement, plus vous avez cette marge de manœuvre, et plus il vous sera facile de réaliser des photos dans un environnement sombre, sans flash.
En conclusion
Tous ces conseils ne sont bien entendu que des conseils. Je partage avec vous mon humble expérience de photographe professionnel afin de vous permettre, je l’espère, de vous améliorer. J’espère que ces derniers vous aideront à trouver l’appareil photo qui vous correspond et qui correspond surtout à vos besoins !
Dernièrement j’ai eu l’occasion d’interviewer Laurent Breillat, un jeune blogueur et photographe de 27 ans qui a lancé en juin 2010 un blog devenu peu à peu une référence dans le monde de la photographie amateur sur internet : apprendre-la-photo.fr (140 000 visiteurs uniques par mois !)
Destination Reportage : Tu es aujourd’hui une référence des blogs sur internet, comment en es tu arrivé là ?
Laurent Breillat : Lorsque j’ai lancé mon blog en 2010, j’étais encore en Master 1 à la fac et je venais juste de commencer la photo. En fait, j’avais à peine deux mois de photo derrière moi. Mais c’était toujours deux mois de plus que beaucoup d’autres personnes. Je me suis beaucoup renseigné sur internet et je n’ai pas réussi à trouver des informations autrement que sur des blogs anglophones. J’ai donc décidé de me lancer. Au début j’écrivais deux articles par semaine et je n’ai pas arrêté, tout en continuant à tout bien expliquer et en me mettant à chaque fois à la place du lecteur. Et j’ai finalement trouvé mon public !
Tu as donc commencé la photo en amateur. Est ce que tu te considère aujourd’hui comme un professionnel ?
Je ne suis pas un photographe professionnel mais je suis un professionnel de la photo. Je ne vends pas mes images, cela ne m’a jamais intéressé. Ce que j’aime c’est partager ma passion. Quand on arrive à se faire plaisir en photographie, on peut s’épanouir. Aider les gens à faire de meilleures images, c’est ma façon de contribuer à leur épanouissement.
On parle beaucoup de « crise » dans le milieu de la photographie professionnelle. Quelle est ton point de vue à ce sujet ?
J’en entends beaucoup parlé en effet, et je le comprends. Il est très facile aujourd’hui de progresser rapidement en photo. Il y a beaucoup d’informations sur internet et le matériel n’est pas si cher que cela, c’est à la portée de tout le monde. Maintenant cela peut être problématique pour les professionnels. Je ne dirai pas qu’il y a une concurrence déloyale car je n’aime pas le mot, mais plutôt qu’il y a un déséquilibre. Les choses changent et les professionnels ont du mal à s’adapter. Aujourd’hui tout le monde à un appareil photo avec les smartphones, et il y a de plus en plus de photos qui se font. Ce qui est bien et pas bien à la fois, car il y a de plus en plus de mauvaises photos mais aussi de plus en plus de bonnes photos. Je trouve cela génial qu’il y ait de la création.
Que peuvent faire les professionnels face à cette évolution ?
C’est à eux de trouver une solution et de s’adapter. Quand tu es entrepreneur, tu prends des risques et tu dois parfois t’adapter. Cela ne sert à rien de râler, car ça continue, même si tu râles ! Aujourd’hui, de plus en plus de photographes « pros » se tournent vers l’enseignement, ce qui est une façon de profiter de cette évolution. Mais former les gens, ce n’est pas pareil que vendre des images. Il faut être pédagogue et cela n’a rien à voir avec le nombre d’années de photo que tu as ou si tu as déjà vendu à des rédactions. Au fond, on est tous l’expert de quelqu’un et les connaissances, bien que nécessaires, ne sont pas toujours suffisantes pour être un bon professeur. Quelque part, le fait de ne pas avoir 20 ans de métier est même un avantage pour moi, car je peux me mettre plus facilement à la place de mon élève.
Tu as mis au point une formation « devenir un photographe accompli », peux tu nous en parler ?
Il s’agit d’une formation en ligne de 7 mois, lors de laquelle je propose une vidéo par semaine à l’élève, de sorte à ce qu’il soit obligé d’appliquer ce qu’il apprend. Je prends les gens à la base, ils peuvent avoir acheté leur appareil la veille, et je les amène au stade de ce que j’appelle, un photographe accompli, c’est à dire qui arrive à se faire plaisir. Je n’ai pas la prétention de leur permettre de devenir « pros », mais de les amener sur la bonne voie, en avançant de façon structurée et progressive.
Tu viens de lancer les inscriptions pour la 5ème édition, on peut parler de succès !
En effet, c’est la 5ème promotion et on a dépassé les 3500 élèves depuis le début de l’aventure. Depuis deux mois, j’ai d’ailleurs une assistante qui m’aide à répondre aux mails (inscriptions, problèmes techniques sur le site, etc), mais pour tout ce qui est questions sur la photo, je suis toujours seul derrière le clavier !
Avant cette formation, tu as écris plusieurs livres…
En effet, au tout début j’ai écris un ebook, qui a plutôt bien marché, puisqu’il s’est vendu à un peu plus de 450 exemplaires lors de son lancement. Il s’agissait d’un livre pour apprendre à bien choisir son objectif. Je l’ai ensuite adapté pour faire deux versions papiers, l’une pour les montures Nikon, l’autre pour Canon.
Si tu avais un seul conseil à donner aux internautes qui lisent cette interview, qu’est ce que ce serait ?
Je dirais qu’il faut avoir en tête ce que l’on veut faire en photo. Il faut être en phase avec ses émotions, les bons photographes sont des gens sensibles. On rentre dans la sphère du développement personnel, mais c’est la sensibilité qui fait le style et qui fait que l’on passe d’un bon photographe à un excellent photographe.
Pour aller plus loin et découvrir les conseils de Laurent, rendez-vous sur son blog « apprendre-la-photo.fr »
Photojournalisme sur grand écran : 5 films à voir absolument !
Le reportage de guerre est l’une des branches du journalisme les plus connues et mises en avant. C’est aussi vrai dans le monde du 7ème art. Le photographe de guerre est présent dans de nombreux films et certains réalisateurs décident parfois de bâtir l’intrigue sur le personnage du reporter. De la simple apparition, comme dans Apocalypse Now, à la véritable intrigue autour d’un personnage complexe et psychologiquement ravagé comme Mark (alias Colin Farrell) dans « Eyes of War », le photographe de guerre est une véritable muse cinématographique. Dans cette série d’articles, je vais vous présenter des films ayant pour thématique principale l’univers de la photographie. Voici une première série davantage axée sur le personnage de photographe de guerre.
(Les synopsis des films sont extraits du site internet de Allociné)
« Durant l’Apartheid en Afrique du Sud, les clivages raciaux font rage dans les quartiers pauvres. Sur place, quatre photographes ambitieux décident d’arpenter la région de long en large afin de réaliser la photo la plus révélatrice du contexte de l’époque. Une guerre médiatique entre ces quatre concurrents démarre alors, avec à la clé pour le gagnant, le Prix Pulitzer. Mais jusqu’où sont-ils prêts à aller pour bénéficier de cette récompense ? »
Avis :
L’un de mes films préférés. Il y a tout : de l’action, de l’Histoire, de l’amour et du photographe super courageux et intrépide. Le fait qu’il s’agisse d’une histoire vraie à la base est peut-être le plus intéressant dans ce film. Car on comprend alors qu’au-delà de la production hollywoodienne, on reste dans le vrai et le vécu. Les photojournalistes du film ne sont pas des personnages fictifs, imaginés pour faire rêver les gens, ce sont des êtres complexes, talentueux et finalement incroyablement humains. Il est facile pour un photographe de s’identifier à ces personnages, même s’il est clair que la plupart ne feront pas les mêmes choix qu’eux.
« Photographes de guerre chevronnés, Mark et David sont en mission au Kurdistan. Tandis que le premier décide de rester sur place quelques jours encore en quête du cliché susceptible de le rendre célèbre, le second ne supporte plus la violence et le désespoir quotidiens. Surtout, il veut rentrer pour retrouver sa femme Diane, qui attend un enfant. Grièvement blessé, Mark échoue dans un hôpital de campagne, avant d’être rapatrié à Dublin, où il apprend que David, lui, a disparu… »
Avis
Colin Farrell est une fois de plus excellent dans le rôle du mec un peu cynique et perdu. Alors un boitier argentique dans les mains, c’est encore mieux ! Le film, très bien réalisé, nous tient en haleine grâce à un suspens presque intenable. L’ambiance est assez dramatique et pas des plus réjouissantes. Ce film n’est à priori pas basé sur des faits réels, mais il aurait pu et je pense que pas mal de reporters de guerre peuvent s’identifier au personnage, qui tel un James Nachtwey montre à quel point la guerre et son cortège d’atrocité peuvent changer, voire détruire un homme.
« Le journaliste Richard Boyle est accablé de problèmes privés et professionnels. Il s’exile alors en République du Salvador avec son ami Rock Dock où ils cherchent un scoop dans un pays en pleine guerre civile. Il y retrouve Maria, une femme qu’il a aimé et découvre les horreurs du conflit méconnu du reste du monde. »
Avis :
Si vous avez aimé les bouquins de Patrick Chauvel, vous allez adorer ce film. Oliver Stone raconte les plus glorieuses mais aussi les plus sombres heures du photojournalisme de guerre. En pleine guerre civile, un journaliste entraine l’un de ces amis au volant d’une décapotable grossièrement floquée « TV » en lui promettant des filles et de la téquila au rabais. Il n’y trouvera cependant que des explosions, des fusillades et tout un tas d’atrocité. Excellent film d’action à l’américaine (ça fait beaucoup « Boom »), mais sur fond d’Histoire et de géopolitique.
« Octobre 1991, Harrison Lloyd, (David Strathairn ; L.A. Confidential), reporter-photographe célèbre pour Newsweek, est envoyé en Yougoslavie pour « couvrir les débuts d’un conflit mineur ». Personne, à cette époque, ne comprend encore cette guerre. Sarah (Andie MacDowell ; Quatre mariages et un enterrement), sa femme, mère de deux enfants, lui fait promettre de revenir pour l’anniversaire de son fils. Il promet, part, tarde à rentrer et est porté disparu aux environs de Osijiek, non loin de Vukovar, dans le nord de la Croatie. Quelques jours plus tard, l’Associated Press annonce sa mort. Pour Sarah, le monde s’écroule, mais elle refuse de croire au décès de son époux. Elle part alors à sa recherche, flanquée de trois photographes, dont Kyle (Adrien Brody ; La ligne rouge), le seul qui soit un tantinet lucide dans l’expédition, et Stevenson (Brendan Gleeson ; The General), un soldat usé, instable, mais humain. »
Avis :
Un film assez dur, avec des scènes très violentes, mais malheureusement caractéristiques de la barbarie qu’il y a eu dans les Balkans à la fin des années 1990. Une histoire d’amour sur fond de guerre vraiment touchante et un suspens tout aussi intenable que « Eyes of War » (voir plus haut).
« Un photographe de guerre et père absent, qui s’est plus occupé de son appareil photo que de ses 4 filles, coule des jours heureux dans les Alpes avec sa nouvelle compagne. Il va voir sa vie basculer le jour où son meilleur ami va tenter de le réconcilier avec sa famille en leur racontant un gros mensonge. »
Avis :
Alors oui, j’inclus ce film dans la sélection « photographes de guerre ». Même si le casting laisse perplexe lorsque l’on découvre l’affiche et le synopsis, une fois devant l’écran, ça devient un peu plus clair. Mais le plus fort dans l’histoire, c’est que Lelouch arrive à faire un film sur un reporter de guerre, même à la retraite, sans montrer une seule image de guerre, tout en arrivant à montrer les ravages que cette dernière à fait sur le bonhomme. Très gros rebondissements et très forte décharge émotionnelle, ce film a surtout le mérite de dresser le portrait d’un reporter de guerre à la retraite, ce qui est malheureusement assez rare !
Un nouvel article sera publié prochainement pour vous présenter de nouveaux films sur la photographie. En attendant, si vous en connaissez et que vous voulez en parler, n’hésitez pas à laisser un commentaire !
(Dans cet article, j’ai volontairement intégré des liens vers « Amazon » pour les DVD dont je parle. Passer par ces liens pour vous procurer ces produits, ne changent en rien leur coût, mais me permet de continuer à écrire de nouveaux articles sur ce blog. De plus, je ne vous proposerai jamais de cliquer sur un lien sur lequel je ne cliquerais pas moi-même ! J’ai fait le choix de vous indiquer les prix les plus bas pour acquérir ces produits)
1980, l’Amérique centrale est en pleine ébullition et un événement tragique va bouleverser le Salvador. Lors des obsèques de Monseigneur Romero, l’archevêque de San Salvador, assassiné le 24 mars, une fusillade éclate sur le parvis de la cathédrale. En quelques minutes, 38 personnes sont tuées et plus de 400 sont blessées.
Sous les balles, le héros du film d’Oliver Stone « Salvador », arme son appareil photo et déclenche à tour de bras. La scène est invraisemblable et digne des films d’action américains.
Or même si « nom du personnage » est un personnage fictif, le réalisateur n’a pas eu besoin de chercher l’inspiration bien loin, puisque ce jour là, un photojournaliste français était présent, debout au milieu de victimes et photographiant au grand angle la tuerie en direct. Patrick Chauvel signe alors un « scoop » mémorable et remporte ce jour là le prix Missouri de la prestigieuse université de journalisme des Etats-Unis pour la photo ci-dessous.
Rapporteur de guerre
L’une des branches du photojournalisme les plus connues est celle du reportage de guerre. Paradoxalement, il n’existe aucune formation à ce métier bien particulier. Comment se préparer à la guerre, autrement dit à ce qui est totalement imprévisible ?
Patrick Chauvel, célèbre reporter de guerre, raconte son incroyable parcours dans ses livres Sky, Rapporteur de guerre et Les pompes de Ricardo Jésus. Il explique comment sa carrière débute, sans la moindre préparation, sans même savoir utiliser correctement son Leica M3.
A l’issue d’un périple totalement improvisé dans le désert du Moyen Orient en 1967, en pleine guerre des six jours, il raconte : « De retour à Paris, je découvre avec horreur que quatre-vingt-dix pour cent de mes photos sont ratées, inutilisables. C’est foutu, j’ai honte, je suis déprimé, écoeuré. Quelle trahison pour ceux qui m’ont confié leur image, leur courage, leur souffrance ! J’ai l’impression que les morts sont morts une deuxième fois, et moi avec », ajoutant « Une des seules photos réussies de toute cette première aventure est une photo de moi posant avec une « fiancée armée » devant le mur des Lamentations, prise avec mon appareil photo par un soldat israélien qui, lui, savait s’en servir ».
L’une des photos de Patrick Chauvel prise pendant la guerre du Vietnam
Le « rapporteur » va se rattraper pendant les trente-cinq années qui suivent, à travers toutes les guerres qui ont rythmé la fin du XXème siècle. Hubert Henrotte l’engage à Sygma en 1978.
Dans « Le Monde dans les yeux » (l’un des meilleurs livres sur le photojournalisme !), il lui dédit même un chapitre : « Patrick continue de courir le monde en furie, attiré par la guerre comme par un aimant, forçant son destin pour mieux témoigner de la folie des hommes et jouant avec la mort. Il gagnera quatre fois de justesse. Une balle dans la jambe en Iran, un obus de mortier au Vietnam, avec cinq éclats dans les poumons, les bras et les genoux, et deux miracles, au Liban et à Panama. (…) Il a sur lui les stigmates de ses reportages, des blessures qui portent toutes un nom : Israël, Vietnam, Cambodge, Erythrée, Angola, Iran, Mozambique, Liban, Tchétchénie, Panama… Il se regarde et conclut : « Je n’ai plus beaucoup de places libres ! ».
Photo de Patrick Chauvel prise à Grozny pendant la guerre de Tchétchénie
Le métier de reporter de guerre attire, presqu’autant qu’il tue. « Pourquoi tant d’effort et d’impatience à me rendre en un lieu que tant de gens cherchent à fuir ? », se demande Onur Coban, alors qu’il couvre la guerre en Libye en 2011.« La conviction que si je n’y vais pas, cette histoire là ne sera pas racontée. Le besoin de transmettre un événement et d’essayer d’être la voix de ceux qui le font ou le subissent. L’envie aussi, d’être le premier sur place », explique-t-il.
Cette rage de témoigner malgré le danger de mort, est le dénominateur commun des journalistes de guerre. C’est cette même rage qui guide Bill Biggart vers la deuxième tour du World Trade Center encore debout le 11 septembre 2001. Tandis que la zone est évacuée en urgence, il ne pense pas une seconde à changer son itinéraire et se dirige vers sa mort, l’œil dans le viseur de son boitier.
Objectif : témoigner
Le photojournaliste de guerre, se voit comme un témoin de l’histoire. James Nachtwey, photographe de l’agence Magnum raconte pourquoi il a choisi de faire ce métier à travers une interview menée par Chauvel dans le documentaire Rapporteur de Guerre : « Au début, c’est pas goût d’aventure, de défis, de voyage, l’envie de faire carrière… et aussi de faire la différence. Et plus tu es confronté à la souffrance des autres, à l’injustice et à la tragédie, plus les raisons personnelles s’effacent naturellement devant l’envie de témoigner et d’essayer de maintenir le dialogue afin que les choses changent. Si personne ne sait ce qu’il se passe, si tout se fait dans l’ombre, tout peut arriver ».
James Nachtwey dans le film War Photographer (2001) de Christian Frei
L’un des plus célèbres clichés du photographe américain
« Pas de témoins, pas de crime », répète Patrick Chauvel. Mais plus qu’un témoignage, le reportage de guerre est aussi un travail de mémoire pour les prochaines générations. « On doit déranger, on doit être une épine dans le pied », affirme Laurent Van Der Stockt, photographe indépendant. Il faut dire que les reporters de guerre ont souvent du mal à ramener des images. L’armée ne laisse pas toujours beaucoup de marge de manœuvre aux journalistes en temps de guerre.
L’opinion publique représente souvent une partie de la victoire dans une guerre et les services de communication des armées l’on bien compris. Lors du récent conflit au Mali, une photo de l’AFP a défrayé la chronique dans les Etats Majors et la réponse a été immédiate : les photographes de presse ne sont plus les bienvenus sur le terrain d’opération.
Issouf Sandgo, auteur de la photo pour l’AFP assure que « le soldat ne posait pas »
Prendre parti
« Le photographe n’est pas là pour ne faire que ce qu’on lui donne le droit de faire », rappelle le photojournaliste indépendant Wilfrid Estève. Le journaliste qui part couvrir une guerre a le choix. Il peut se contenter d’être un « embedded », c’est à dire « embarqué » et donc rigoureusement encadré par les services de presse de l’armée. A ce jour, les militaires ont embarqué près de 400 journalistes provenant de 180 médias[1].
Cependant, les Patrick Chauvel et autre Laurent Van Der Stock préfèrent quant à eux adopter un autre angle et prennent le risque de ne pas rester à l’abri derrière les blindés de la « grande muette ».
Ces derniers ne restent pas pour autant seuls sur le champ de bataille. Il existe alors une solidarité entre journalistes de guerre sur le terrain. Dans les années 1990, le Bang Bang Club commence à se faire connaître en Afrique du Sud. Cette drôle d’équipe de photographes casse-cous, enchaîne les scoops et les publications dans le monde entier, couvrant une actualité violente et toujours en cours, dans les townships africains, alors que la guerre civile fait rage entre pro et anti Mandela.
Greg Marinovich remporta le Pulitzer en 1991 pour cette photo
Tandis que Kevin Carter se suicide après avoir remporté le Pulitzer pour photo prise au Sahel, La fillette et le vautour (voire partie III/ 2), son compère Ken Oosterbroek tombe sous une balle perdue des forces de la « National Peacekeeping Force » le 18 avril 1994. Joao Silva et Greg Marinovich raconteront l’histoire de ce Bang Bang Club dans un livre, plus tard adapté dans un film de Steven Silver en 2011.
En conclusion, on peut dire que le cas du reporter de guerre est peut être à lui seul le gage de survie du photojournalisme, qui se veut être le témoin de l’histoire et le garant d’une mémoire collective.
Kevin Carter obtient le Pulitzer en 1994 avec cette photo prise au Soudan. Il se suicidera peu après.
Une actualité sympa me permet de ressortir un article rédigé l’année dernière dans le magazine des étudiants de Sciences-Po Toulouse. Ce mois de mai, un excellent photographe toulousain (et surtout un très bon ami), expose une série de photographies de rue… réalisée au smartphone. L’occasion de revenir sur cette pratique de plus en plus à la mode, y compris chez les professionnels de l’image, comme Frédéric Scheiber, photojournaliste pour le journal « 20 Minutes » depuis 10 ans.
Qu’est ce que l’Iphonographie ?
Faire des photos n’a jamais été aussi simple. Les appareils compacts numériques et tout publics deviennent de plus en plus sophistiqués pour un prix toujours plus dérisoire. Il est bien loin le temps où l’on réglait le boitier argentique et que chaque photo mal cadrée coûtait de l’argent. Aujourd’hui, plus de film sauf pour les derniers irréductibles tel James Nachtwey. La photographie entre, elle aussi, dans l’ère du tout numérique et également dans l’univers du web 2.0, c’est à dire le web participatif. Le nom de cette nouvelle tendance : l’Iphonographie.
Faire des photos d’art et les partager avec le reste du monde, « il y a une application pour ça ».
A croire que la marque à la pomme est en train de faire muter les pratiques culturelles en plus de nos modes de vie. Cependant le mouvement dépasse Apple et ses Iphones. Chaque « téléphone intelligent » peut aujourd’hui servir d’appareil photo argentique, grâce à des applications proposant aux utilisateurs différents filtres permettant de retoucher leurs photos afin d’en faire de véritable œuvres d’art.
La plus connue, Instagram a même été racheté par le géant bleu Facebook pour la modique somme d’un milliard d’euros. Avec à ce jour près de 100 millions d’utilisateurs, l’application est devenu un véritable réseau social. « Rien que sur Toulouse, nous comptons 630 abonnés à notre compte Twitter », note la représentante de « instagramersfrance », une association internationale, « la Ville rose est l’une des plus actives de France ».
La journée était organisée par l’association « Dixpardix » dont Fabrice Féval est le représentant :« L’objectif est de mettre en relief la culture photographique et de montrer le côté artistique du téléphone ». L’invitation à cette dixième édition de Manifesto ne l’a donc pas surpris « l’Iphonographie est un phénomène qui prend de plus en plus de place dans l’art. Ce n’est pas la technique qui fait l’œil ».
Photo ci-dessus : Damon Winter, photographe pour le New York Times, a remporté en 2011 la troisième place du célèbre prix « Picture of the year » avec ses photos « Hipstamatic » prises lors d’un reportage avec les soldats américains en Afghanistan. (Crédit : www.damonwinter.com/)
Une nouvelle ère pour le photojournalisme ?
Il en faudra cependant davantage pour que le photojournaliste mette son boîtier numérique au placard pour profiter de la technologie des smartphones. Certains commencent cependant à franchir le cap de la « photo mobile ». Dan Chung, photojournaliste du Guardian a par exemple couvert les jeux olympiques de Londres avec son Iphone 4S et certains de ses clichés rivalisent sérieusement avec des prises de vue au boîtier numérique dernier cri. La très célèbre agence photo Getty Image supporte également la pratique à travers le reportage de Benjamin Lowy en Libye.
Cet usage est critiqué par une partie de la profession, déjà inquiète quant à son avenir. Certains annoncent même la fin du photojournalisme. En cause, le monopole de certaines agences comme l’AFP, qui fausse les prix des photos. Ou encore la crise que traverse la presse en général, qui fait de plus en plus appel à des pigistes, précarisant davantage la profession.
Dès lors, en attendant un éventuel passage à l’acte de la nouvelle ministre de la Culture qui dit « avoir l’amour de la photographie » l’Iphonographie n’aide pas forcément à remettre en valeur la profession de reporter-photographe alors qu’une partie de l’opinion pense qu’une application mobile peut remplacer le matériel professionnel et avec lui un savoir faire technique. Cependant, une chose est sûre, le matériel ne remplacera jamais l’œil du photographe ni la démarche du journaliste.
Être photographe, c’est écrire avec la lumière. Être photojournaliste c’est capter la lumière de la vérité.
Erich Salomon
Le reporter-photographe, lorsqu’il n’est pas bêtement et injustement assimilé au paparazzi, fait rêver. Mais ce métier qui consiste bien souvent à voyager et essentiellement à informer à travers des images, est en danger. Les causes de la crise du photojournalisme sont nombreuses. J’en ai répertorié et expliqué certaines dans mon mémoire de recherche réalisé dans le cadre de mes études à l’Institut d’Etude Politique de Toulouse (en lecture ci-dessous).
Pourquoi parler de ce sujet sur ce blog ?
Tout simplement parce que trop de photographes amateurs (et le grand public en général) ne connaissent pas cette situation dramatique qui touche toute une profession, et indirectement, en sont pour certains responsables.
Je m’explique. Aujourd’hui, les entreprises de presse et les entreprises plus largement, considèrent la photographie avant tout comme un coût et non plus comme une oeuvre de l’esprit. Afin d’éviter les dépenses d’argent, ces structures se tournent bien souvent vers des contenus libres de droits, souvent produits par des amateurs. Pourquoi acheter ce que l’on peut avoir gratuit ? Alors certes, ce n’est pas la même qualité, mais si cela peut justifier des économies…
Je n’ai pas l’intention de faire un discours moralisateur, mais je pense qu’il est important que cette situation très pénible pour les photographes professionnels, c’est à dire celles et ceux qui vivent de leurs photographies, soit mise en lumière.
Sur la photo : Frédéric Lancelot, photojournaliste freelance toulousain
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