[Reportage] Retour en zone de guerre - Destination Reportage

[Reportage] Retour en zone de guerre

Trois ans après avoir mis les pieds pour la première fois au Sahel et par la même occasion en zone de guerre, j’ai eu l’opportunité de revenir au Mali et au Niger en août dernier.

L’objectif était de poursuivre mon reportage sur l’action militaire française dans cette région déstabilisée par les groupes armés terroristes depuis plus de 5 ans. Cette fois j’étais en commande pour le magazine hebdomadaire « Le Pèlerin » et j’ai pu pénétrer dans la base avancée de Kidal, dans l’extrême nord du Mali.

Voici le reportage photo ainsi que mon récit

Plus de 4 500 hommes et femmes sont actuellement déployés dans la bande sahélo-saharienne et ont pour mission de lutter contre les GAT, les groupes armés terroristes. le pays le plus concerné par Barkhane est le Mali, même si le confit s’étend à d’autres pays comme le Niger, le Tchad ou le Burkina Faso. Si la situation sécuritaire est globalement assez calme dans le pays, de récents événements rappellent que le Mali est bien en guerre.

Le 1er juillet dernier, un attentat a fait de nombreux morts dans un marché de Gao (nord-est du pays). La force Barkhane était visée mais ce sont les civils qui ont fait les frais de cette attaque. Bilan : quatre civils tués et une vingtaine de personnes blessées, dont quatre soldats français. Depuis le début du confit, vingt-deux soldats français ont été tués au Mali et les soldats de Barkhane vivent sous la menace quotidienne d’attaques des GAT.

Internationalisation croissante

Les dangers proviennent essentiellement des tirs de mortier et de la pose de mines et d’engins explosifs improvisés sur le chemin des convois militaires. Le contexte politique malien n’aide pas à l’apaisement des tensions. Les résultats de la dernière élection présidentielle sont contestés par l’opposition et les militaires français ont pour consigne d’être encore plus vigilants à l’occasion des prochaines législatives.

Afin de sécuriser le pays, les soldats de Barkhane patrouillent et réalisent régulièrement des actions à la fois militaires et humanitaires dans les villes : don de matériel et de nourriture, construction d’écoles, consultations médicales… L’objectif est de venir en aide à la population et d’occuper le terrain face aux terroristes dissimulés parmi les civils.

Depuis peu, « l’opex » franco-française Barkhane tend à s’internationaliser. Ce sont les Britanniques qui ont répondu présents en premier, avec l’arrivée en juillet dernier d’une centaine de soldats et surtout de trois hélicoptères de transport Ch47 « Chinook ». une aide logistique plus que bienvenue, le transport par hélcoptère étant le moyen le plus rapide et le plus sécurisé pour pallier les attaques terroristes, le terrain hostile et les caprices de la météo. un détachement estonien est également arrivé cet été à au Mali afin d’aider les Français dans la sécurisation de la base de Gao.

Deuxième publication

Par la suite, c’est le magazine VSD (devenu récemment un mensuel suite à son changement de propriétaire) qui a publié mon reportage sur 10 pages cette fois. Voici le deuxième récit ainsi que les photos :

 

Dans les coulisses de l’Opex Barkhane

19h30. Il fait déjà nuit sur la base militaire française de Gao au nord du Mali.

Des soldats jouent aux cartes tandis que d’autres sont captivés par un match de foot retransmis sur l’écran plat de la « popote » du groupement commando parachutiste (GCP).

Sur les tables qui jouxtent les paras, trônent plusieurs petits monticules de matériel. On y trouve des gilets pare-balles décorés d’une impressionnante quantité de munitions, des casques équipés de jumelles de vision nocturne et des fusils.

Certains ne jouent pas aux cartes et testent le système de radio avec leurs camarades.

Puis, c’est l’heure. Le capitaine annonce à son unité que l’embarquement dans les hélicoptères de combat est imminent.

Dans le calme et la concentration, les commandos s’équipent. Cagoule, protections balistique, armement lourd, ces soldats d’élites se préparent à partir pour une mission périlleuse, en territoire hostile avec l’objectif d’éliminer une « grosse tête » d’un GAT (groupe armé terroriste) cette nuit.

Il est dimanche et la nuit est éclairée par une pleine lune qui chasse les étoiles. Les paras comptent sur l’effet de surprise et leur très rude entraînement sur le territoire national pour accomplir la mission.

L’ambiance est électrique. La concentration prend le pas sur le sentiment de frustration des soldats : depuis une semaine, la mission est régulièrement préparée puis annulée. En cause, un ennemi qui se déplace régulièrement.

Depuis l’action coup de point de Serval en 2013, les GAT sont en perpétuel mouvement, ils se mêlent à la population, se cachent.

Les commandos arrivent sur le tarmac où les attendent les hélicoptères. L’un des soldats partage le renseignement qu’il vient d’avoir à la radio : « ça a matché, le drone l’a bien repéré ». 

Le drone, c’est le « Reaper » un bijoux de technologie, presque aussi grand qu’un avion, piloté à distance depuis un conteneur couleur sable, dans l’emprise française de Niamey. C’est aussi depuis cette base de l’armée de l’air que s’apprêtent à décoller deux avions de chasse pour cette mission hautement stratégique. Ces « Mirage 2000 » français vont avoir pour mission d’appuyer les commandos partis de Gao.

Seuls les caprices de la météo peuvent désormais contrecarrer les plans des soldats de Barkhane. Car le désert malien est plein de surprises et de dangers… aussi bien sur terre que dans les airs. Tandis que quelques étoiles illuminent le ciel, au loin, des éclairs déchirent le ciel sans bruit. « C’est un peu comme être en boite de nuit mais sans la musique », plaisante un commando. Heureusement pour eux, leur objectif ne se trouve pas dans la direction de l’orage mais bien dans une zone « claire » pour les pilotes d’hélicoptères de l’ALAT (l’aviation légère de l’armée de terre).

D’un instant à l’autre, un « puma » et un « caïman » (dernier né des hélicoptères français) vont décoller avec leurs équipages armés jusqu’au dent. Comme à chaque fois, un « Tigre » prendra aussi son envol pour escorter le convoi et sera en mesure de l’appuyer grâce à son redoutable armement.

Changement d’ambiance, mais pas de décor. A quelques mètres de là, pendant ce temps, l’heure est à la fête et la bonne humeur dans les différentes « popotes » de Gao. Tous les dimanches, la tradition veut que les soldats de Barkhane se retrouvent autour d’un verre et d’un barbecue géant, afin de décompresser.

Dans l’un de ces bars aménagé et « amélioré », mandat après mandat par les militaires, il est même question d’une soirée karaoké ce soir. 

Les festivités n’empêchent pas la discipline et quelques règles sont là pour rappeler que nous sommes toujours dans une base militaire en zone de guerre. Seulement deux bières sont autorisées par personne et par jour sur la base et l’alcool fort est prohibé. 

Et si ces règles ne suffisaient pas pour le rappeler, le grondement assourdissant des hélicoptères de guerre qui viennent de décoller avec à leur bord les commandos ramène immédiatement à la réalité des opérations.

Alors que les commandos sont en vol, le karaoké organisé à l’occasion du barbecue du dimanche prend rapidement l’allure de véritable concert lorsque des pilotes anglais de « Chinook CH 47 » prennent le micro pour interpréter un vibrant « Bohémien Rapsodie » de Queen.

Depuis cet été, l’opération française Barkhane s’est internationalisée avec l’arrivée de troupes britanniques. Ces dernières sont venues avec trois hélicoptères de transports de troupe, les fameux « Chinook » made in America, terriblement utiles dans le Sahel. En effet, le principal ennemi dans ce conflit qui dure maintenant depuis plus de 5 ans, ce ne sont pas les groupes armés terroristes, mais bien un terrain hostile, grand comme l’Europe et plein de dangers… Quand ce n’est pas la saison des pluies qui inonde les routes et enlise les blindés, ce sont les tempêtes de sables qui neutralisent les pistes d’atterrissage.

Mais les britanniques ne sont pas les seuls « étrangers » à venir combattre aux côtés de la France. La force Barkhane peut désormais compter également sur un détachement de soldats estoniens au Mali. Bien loin de la mer Baltique, la mission de ces renforts est double : aider à la sécurisation de la base en participant à la garde et effectuer des patrouilles dans Gao, au milieu de la population malienne.

En effet, malgré la présence de plus de 20 000 militaires au Sahel, le risque terroriste est encore très présent, notamment au Mali. Le 1er juillet dernier, un attentat a fait de quatre morts et une vingtaine de blessés (dont quatre soldats français) dans l’un des marchés de la ville. La force Barkhane était visée mais ce sont les civils qui ont fait les frais de cette attaque des GAT…

Retour dans la base de Gao, au lendemain de l’opération des commandos parachutistes. La mission de la nuit a été un succès. Mais l’élimination d’un cadre haut placé de Daesh oblige la base française à augmenter sa vigilance dans la crainte d’éventuelles représailles.

Les panneaux aux principaux points de sorties sont changés immédiatement, nous sommes dorénavant en stade C, pour Charlie, le troisième échelon des quatre niveaux d’alerte.

Concrètement, tout le personnel doit être obligatoirement armé, quelle que soit son activité. A priori rien de très gênant pour les soldats de Barkhane qui ont l’habitude de ne jamais vraiment se séparer de leur pistolet ou de leur fusil. Ici, malgré la menace permanente d’une attaque ou d’un attentat chacun vaque à ses occupations dans un calme apparent.

La routine semble s’être installée dans la vie des soldats en Opex. Un week-end presque banal à plus 4000 km de chez eux.

 

 


photographe professionnel
Fred
Photoreporter professionnel pour la presse magazine (Paris Match, VSD, le Figaro Magazine, le Pèlerin, Géo Ado, Stern, etc...)