Oui, retoucher, c'est tricher ! - Destination Reportage

Oui, retoucher, c’est tricher !

A peine ai-je commencé l’écriture de cet article, que je ne peux m’empêcher d’entendre au loin quelques photographes fustiger à la lecture de ce titre à première vue bien polémique et très tranché. Et pourtant, cela ne m’empêchera pas de poursuivre ma rédaction qui commence donc par un fait évident et définitif : retoucher une photographie, ben, c’est d’la triche.

Février 2015. Alors que le verdict vient de tomber, et que le nouveau World Press Photo est annoncé (vous savez, cette récompense au combien prestigieuse destinée aux photographes de presse), une annonce fait frémir l’univers de la photo : plus de 20% des photos participantes au dernier tour ont été disqualifiées pour cause de « retouche excessive ». Pire, les experts (pas ceux de TF1, mais de l’institution néerlandaise) auraient repéré des travaux « manipulés », ouuuuuuuu.

Alors, il faut dire que ce n’est pas vraiment un scoop… En 2013, la photo lauréate, de Paul Hansen (ci-dessous), avait été légèrement retravaillée et « nettoyée » de quelques éléments perturbateurs, notamment un poteau à l’arrière plan. Bref, la polémique n’enfle alors pas trop.

World Press 2013

Mais cette fois, la coupe semblait pleine pour les autorités du World Press, notamment son grand boss, Lars Boering, qui a poussé un coup de gueule : « Nos règles indiquent clairement que le contenu de l’image ne ​​doit pas être modifié. Le jury de cette année était très déçu de découvrir comment certains photographes avaient été négligeant en post-traitement. Lorsque cela signifie un ajout matériel ou une soustraction dans le contenu de l’image, cela a eu comme conséquence la disqualification des images du concours ».

« Retoucher » ? Non, « améliorer » !

Et peut être même plus, « rendre plus vrai ». Un appareil photo, aussi perfectionné et bien réglé soit-il, ne pourra pas toujours reproduire une scène exactement comme elle se déroule. J’irai même plus loin, cette petite machine faite de plastique et de composants électroniques ne pourra jamais imprimer sur son capteur, une image correspondant à ce que vous percevez au moment de la prise de vue.

toulouse coucher de soleil

Laissons de côté l’exemple du World Press et ses photos de tragédies humaines et prenons un exemple certes moins sexy mais davantage lié à VOS pratiques de la photographie. Prenez un coucher de soleil. Ses rayons puissants qui se reflètent dans un cours d’eau agité, son ciel nuageux déchiré par des teintes roses et orangées. Il se dégage alors une atmosphère particulière et vous vous empressés de dégainer votre smartphone ou votre petit appareil photo de compagnie pour immortaliser cette scène magique.

Mais une fois la photo prise, le rendu de votre image est à des années lumières de ce que vous avez en face de vous. Pire, tandis que vous tentez de photographier votre moitié ou vos enfants, posants fièrement devant la scène, ces derniers se retrouvent complètement noirs, et encore, quand votre appareil parvient à trouver la mise au point…

Ce que je raconte ici vous est-il familier ? Normal, j’ai aussi connu ça. Même très récemment, lors d’une petite promenade photo en bord de Garonne, un couple d’étudiants néerlandais (encore des néerlandais !) m’accostent et me demandent de les prendre en photo avec leur téléphone. Après deux tentatives floues du fait d’une mise au point qui galère en contre jour, j’abandonne, terriblement frustré, et leur propose de les prendre en photo avec mon appareil (un Fuji x100), qui dispose lui d’un mode manuel et d’une mise au point également manuelle, permettant de s’adapter aux lumières difficiles à gérer comme le contre-jour.

Capture d’écran 2015-01-19 à 16.17.54

Mais même avec les bons réglages, sans flash, il faut quand même retravailler un peu l’image sur Lightroom, et « déboucher » les ombres causées par le contre-jour. L’idée n’est pas d’altérer le sens de la photographie, mais au contraire la rendre plus vraie. Les pixels « trop blancs » empêche le rendu correct des couleurs, qu’il faut légèrement « saturer », la grande ouverture du diaphragme prive la photo d’une netteté naturelle du sujet, pourquoi ne pas en ajouter un petit peu ? Bref, vous l’avez compris, avec parcimonie et honnêteté, la retouche est un passage obligatoire, incontournable et absolument légitime.

=> Lire l’article « Pourquoi Lightroom est le meilleur logiciel de post-production »

Alors pourquoi est-ce que je dis que c’est tricher ? Tout simplement parce que c’est vrai. C’est tricher que de « rattraper » une image en post-production, car ce n’est pas quelque chose que l’on a fait (ou pu faire) lors de la prise de vue.

Est ce que c’est mal ? A vous de me le dire dans les commentaires…



photographe professionnel
Fred
Photoreporter professionnel pour la presse magazine (Paris Match, VSD, le Figaro Magazine, le Pèlerin, Géo Ado, Stern, etc...)
17 commentaires
  • […] Et je finis avec quelques citations de commentaires récupérés sur ces deux articles que je vous conseille de lire : destination-reportage.com ; tontonphoto.fr […]

  • Clem
    Août 1,2018 at 6 h 05 min

    Avant il faisait le traitement directement lors du developpement.aujourdhui avec le numerique on refait ce meme travail mais via des logiciels. Apres y a 2 styles de retouche les globals oupar zone sur la photo (comme en argentique) et les retouches de « triche » comme enlever des elements de la photo ou en rajouter (oiseau nuage poteau …)

  • […] certes, « retoucher, c’est tricher ». Mais pas dans le sens où on l’entend, c’est à dire manipuler ou falsifier. Retravailler une […]

  • Mai 8,2016 at 12 h 36 min

    Sachant que la plupart des photo sont en jpeg, et que le jpeg est une interprétation de l’appareil suivant la marque. Est ce qu’une image « brut » de capteur n’est pas déjà « retouché »?
    Cependant article tout à fait correct.

  • […] la dernière étape, à tord boudée par ceux qui pensent que retoucher c’est tricher. Pourtant, la post-production est juste essentielle pour sublimer vos photos de randonnée, ou du […]

  • […] un récent article paru sur ce blog, je vous parlais de ce genre d’expérience et je vous expliquais comment […]

  • Jack
    Mar 21,2015 at 10 h 58 min

    Il y a beaucoup de vérités dans les commentaires précédents, mais a priori on parle essentiellement de technique en oubliant un peu l’émotion que nous procure un sujet. La prise de vue finale ne correspond pas toujours à cette émotion, et le traitement et j’insiste sur ce mot, nous donne les outils supplémentaires et complémentaires d’un appareil photo pour retrouver le côté émotionnel de notre observation. Il y a la réalité et l’imaginaire, qui sont deux « vues » qui peuvent se rejoindre à l’aide d’un traitement adapté et raisonné. Retrouver la sensation, l’excitation et le bonheur d’un souvenir émotionnel, grâce à un pinceau comme le font quelquefois les peintres des mois près avoir « fini » leur œuvre, cela n’est pas triché d’embellir une composition. L’émotion est l’authenticité de notre démarche photographique, le matériel n’est que le moyen d’y parvenir.

  • Mar 20,2015 at 18 h 52 min

    Bonsoir,

    Je pense qu’il est inutile de se poser 36.000 questions. À partir du moment où l’on 1) respecte un règlement et 2) ne lèse personne, il n’y a pas tricherie !

    Si je photographie une fleur et qu’il me plaît de l’embellir avec DxO ou de la massacrer à coups de filtres 8bf, c’est mon droit car rien ne me l’interdit et je ne cause pas de préjudice à autrui. Je n’ai donc pas triché !

    Si je fais la même chose dans le cadre d’un concours photo qui interdit toute manipulation et que j’emporte un prix, c’est au détriment des autres concurrents. J’ai donc triché !

    What else ?

  • Mar 20,2015 at 14 h 15 min

    En argentique, le choix de la gradation du papier, les maquillages sous l’agrabdisseur et autres manip’ étaient la règle. Les montages étaient possibles, mais plus compliqués à réaliser.

  • Mar 20,2015 at 14 h 08 min

    Il y a une différence entre développer et retoucher. Un fichier Raw nécessite un développement (avecr LR par exemple) comme cela se faisait auparavant avec la pellicule. Ensuite la retouche consiste à modifier les éléments de la photos. Depuis qu’un ordinateur et quelques logiciel à la portée de tous ont remplacé une panoplie d’outils réservés jadis aux professionnels, la limite entre développement et retouche est de plus en plus ténue. Plus on maitrise ces logiciels, plus on est tenté d’améliorer le résultat. Corriger les niveaux pour modifier l’exposition, donner de l’intensité aux couleurs, recadrer, supprimer un élément disgracieux, ajouter un élément… jusqu’où peut-on aller ?

  • Mar 20,2015 at 12 h 50 min

    Ahah excellente réponse Yves !!

  • Yves
    Mar 20,2015 at 12 h 49 min

    Je suis tout à fait d’accord avec Wegrzyn Eddy, dans les anciennes chambres noires on fabriquait déjà des caches sorte de carton avec des découpes pour laisser passer + la lumière et cacher d’autres parties….mon épouse m’a dit la même chose : tu triches…..je lui ai demandé pourquoi elle se maquillait avant d’aller faire les courses, elle ne m’a pas répondu, c’est aussi de la triche……je possède Lightroom et je compte encore m’en servir très longtemps.
    Boone journée à tous.

  • Lionel
    Mar 20,2015 at 12 h 18 min

    La tricherie suppose une règle. Dans le cas de Worldpress, si le réglement interdit toute retouche, toute photo retouchée est une tricherie.
    Donc pour la photo en générale, la retouche ne me paraît pas répondre à la définition d’une tricherie. Hier, il y avait des cadreurs, des tireurs pour les photos argentiques. Ils appliquaient au négatif originel leur savoir faire et leurs choix esthétiques en accord souvent avec l’auteur (ou à sa demande).
    Aujourd’hui, le numérique permet à tous de le faire chez lui pour le plus grand bien ou le plus grand mal de leur photo !
    D’ailleurs, la prise de vue en RAW impose un dévelopement numérique donc une interprétation. A ce titre, et comme cela a déjà été dit, on ne voit pas pourquoi le développement JPEG ou TIFF du boîtier devrait s’imposer comme l’authentique.
    Là où je vous rejoins, c’est qu’une photo bien prise (lumière exposition cadrage…) ne nécessitera que pas ou peu de retouches et n’en sera que meilleure…

  • ALlisson
    Mar 20,2015 at 9 h 50 min

    Dire retoucher c’est « tricher » sous entend forcément que c’est mal. Allez expliquer à un enfant qu’il peut tricher et que ça ne sera pas forcément une mauvaise chose…
    Dans le wiki il est dit : La tricherie est le fait de ne pas respecter des règles pour profiter d’avantages. On peut tricher au jeu, dans le sport, à un examen (antisèches, copier sur le voisin…). Quelqu’un qui triche est appelé un tricheur. Lorsqu’on découvre que quelqu’un a triché, il est généralement sanctionné.

    Je pense ici comme vous, il y a plusieurs post traitement possibles et effectivement quand je vois les photos de magazine féminin, je pense que c’est effectivement de la « triche » et c’est mal car ça véhicule de fausses « vérités ».
    Maintenant les réglages de base, luminosité, contraste etc. quand on sort un jpeg de nos boitiers, on pourrait dire que nos images ne trichent pas car on ne les a pas retouchées mais on ne tient pas compte que les apn développent les jpeg selon certains critères de développement et donc retouche…
    Sur cette question, je pense que c’est très compliqué de mettre tout le monde d’accord car si on va par là, on peut aussi dire à un dessinateur que sa gomme c’est de la triche.
    Le logiciel de traitement est un outil, l’appareil photo est très loin d’être une vérité, il ne tient qu’à nous de montrer ce que l’on à dire peut importe le moyen.
    Pour pousser le vis plus loin on pourrait même prétendre que le simple fait de photographier c’est tricher car de par notre choix de position dans une scène, de réglage etc. on interprète une réalité.

    Enfin bref !

  • bibousiq
    Mar 19,2015 at 20 h 17 min

    Je suis entièrement d’accord avec vous: retoucher, c’est tricher. Ça n’a rien de péjoratif, c’est juste vrai. Quand on retouche, c’est parce qu’on estime que la photo brute obtenue ne correspond pas à ce qu’on a vu ou à ce qu’on voudrait voir. Du coup, on se sert de la retouche pour obtenir cela. Je ne vois pas pourquoi certains s’offusquent quand on dit ça mais bon… à chacun son avis.

    Merci pour l’article !

  • Mar 19,2015 at 16 h 30 min

    Bonjour,

    Je suis photographe amateur et je suis tout à fait d’accord avec votre vision. Mais peut être aussi qu’il y a deux « types » de retouches en post-production, pour moi.
    La première est celle que vous citez sur la fin de l’article : contraste, luminosité, saturation, couleur…
    La seconde est plutot celle du début : enlever un poteau génant, effacer un oiseau ou un bateau….
    La première retouche ne me gène pas du tout, elle fait partie du traitement de la photo, comme ils le faisaient avec les temps dans les bains en argentique. La deuxième est un peu plus génante pour moi puisque c’est vraiment de la « manipulation » de l’image (surtout pour la photo de presse, à priori c’est du reportage réel, pour la photo d’art ma foi ils bidouillent la photo comme ils veulent)
    Voila mon avis 🙂
    A+
    Karine

  • Mar 19,2015 at 16 h 12 min

    Très bon article, après il y a retouche et retouche, a mon avis ce n’est pas pareil d’ajouter ou de supprimer un élément de la photo, et par exemple de recadrer ou de redresser sa photo.
    Je ne pense pas « tricher » quand j’ajoute un peu de contraste ou un peu de clarté sur une photo.
    Après tout, l’appareil photo et le logiciel de retouche ne sont que des outils au service de « l’artiste ».

    Donc je pense que parfois c’est un mal pour un bien de retoucher !

    Cordialement

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