Sandra Chenu Godefroy, une photographe au coeur de l'action - Destination Reportage

Sandra Chenu Godefroy, une photographe au coeur de l’action

Le monde de la défense et de la sécurité civile vous passionne ? Alors vous devez connaître Sandra Chenu Godefroy. Cette talentueuse photographe « d’action » sillonne le monde avec ses appareils photos et son petit Tigrou (lire la suite de l’article pour comprendre) dans le but de ramener les meilleures images. Interview

Comment en es tu venue à faire des photos de policiers et de militaires ?

La première fois que je photographiais des forces de l’ordre, c’était il y a 10 ans, quasiment jour pour jour. Cela fait depuis 2008 environ que je suis photographe professionnelle. J’ai d’abord été photographe militaire pour la gendarmerie, puis je me suis mise à mon compte en 2010.

Comment devient on photographe militaire ? Peux tu nous parler de ton parcours ?

J’ai passé ma jeunesse à Grenoble et je ne savais pas quoi faire dans la vie. J’ai toujours été une artiste, j’ai passé un bac S avec option arts plastiques et j’aimais le sport. Comme beaucoup d’étudiantes, j’étais un peu perdue sur les bancs de la fac.

Je voulais faire de la photo. Mais pour cela, il fallait monter à Paris. J’ai dû travailler pour payer mes études. Un jour j’ai trouvé une offre dans le secteur de la sécurité. En fait il s’agissait d’un emploi jeune dans la gendarmerie. En gros, je gardais l’Hôtel des Invalides.

J’allais quatre jours en cours, et deux fois 24h par semaine je faisais la garde. Quand j’ai eu mon bac photo, mon chef m’a proposé de devenir photographe pour la gendarmerie.

Être gendarmette et garder des portes était loin d’être passionnant, j’ai donc renouvelé mon contrat comme photographe.

Au bout d’un an j’avais fait le tour, et je n’ai pas renouvelé le contrat pour m’installer comme photographe indépendante.

Est ce que tu n’as toujours fait que de la photo d’action ?

J’ai eu fait du mariage aussi mais j’ai découvert à quel point c’est difficile de le faire vraiment bien. Donc je n’ai jamais payé mes factures en faisant du mariage.

En fait, j’avais le secret espoir, en commençant, que la presse allait se battre pour me faire travailler. Quand j’ai compris que non, j’ai changé mon fusil d’épaule, et j’ai fait du reportage au profit des unités mais payé par des entreprises, ou dans le cadre de banques d’images pour campagne de com’ de marketing de société du secteur de la défense.

Tu ne travailles donc pas pour la presse ?

La presse paye peu et m’appelle au dernier moment pour avoir des photos. Je présente mes tarifs et en général ils ne sont pas contents. Mes relations avec la presse ne peuvent pas être qualifié de bonnes.

Je me suis fâchée quelques fois avec des iconographes. Cela peut faire sourire certaines personnes qui connaissent mon travail, mais je me revendique être une photographe humaniste. Je suis allé au feu avec les gens que je photographie, je vais dormir ou manger avec eux. Avec le temps, de vraies relations s’installent : je respecte les sujets que je prends en photo.

Ce respect que j’ai pour eux, autant j’arrive à l’inculquer à mes clients, autant je n’y arrive pas avec la presse. Je me dis souvent que j’ai de la chance d’avoir quelques clients avec qui je partage un vrai état d’esprit.

Est ce que cela t’arrive d’être payée par l’armée directement ?

Non. Il n’y a pas de « budget » pour ça.

En fait, il y en a, mais pas pour toi.

On donne des images généreusement aux unités qu’on voit, pour leur com interne et on leur dit « c’est pour vous, et surtout vous les donnez pas à la presse ! »

Il n’y a pas réellement de marché de la photo d’action. Seuls certains magazines sont prêts à acheter des photos, il y a quand même des entreprises qui ont des budgets. Et sinon il y a les livres, même si la rentabilité n’est pas forcément au rendez-vous. On ne fait pas ce métier pour s’enrichir !

Au final c’est un peu comme le reste de la photographie…

Tous mes stagiaires repartent en disant « finalement je vais faire autre chose »…

C’est un métier passionnant par les gens qu’on rencontre et les instants qu’on vit. La dernière fois que je me sentais si vivante c’était avec des flammes qui me passaient à quelques centimètres du visage, et ça, c’est une sensation hors du commun.

Par contre, ce n’est pas une activité stable, et il ne faut jamais calculer sa rentabilité horaire sous peine de grosse déprime : mais tant que j’ai la caisse et l’envie de le faire, je continue !

Aujourd’hui tu es basée à Paris, pourquoi ce choix ?

Mon coeur est en montagne mais les centres décisionnels sont à Paris. Or quand il s’agit de convaincre il faut avoir les gens en face, tu peux peut être sympathiser au téléphone ou par mail, mais rien ne vaut la rencontre physique.

Je travaille beaucoup pour ma part sur des sujets militaires, notamment avec les Chasseurs Alpins. Est ce que tu as déjà eu affaire à eux ?

Mon premier souvenir avec Chasseurs Alpins remonte à mes 10 ans. Alors que j’étais dans une station de ski, je les voyais remonter les pistes avec des skis de randonnée. Je suis aller les voir, et je leur ai demandé s’ils avaient vu qu’il y avait des tire-fesse derrière les pistes. Cela les a beaucoup fait rire !

En fait, je fais beaucoup de sujets sur les secours en montagne mais peu sur les Chasseurs Alpins, tout simplement car je préfère aller là ou je suis sûre d’être la bienvenue, plutôt qu’aller là où on ne connait pas forcément. C’est juste une question d’opportunité.

Est ce que ta situation est compatible avec une vie de famille ?

Cela dépend ce qu’on entend par vie de famille. Dans mon tempérament, je ne suis pas très « famille », j’essaie d’aller voir ma mère une fois tous les 6 mois…

Mais j’ai une vie personnelle parce que j’ai des amis qui ont des profils assez originaux. J’ai la chance d’avoir de pareils amis qui sont assez conscients de ce qu’implique mon métier. Quand suis là on fait des trucs ensembles. Quand je ne suis pas là, ils ne m’en veulent pas. Quand tu rentres de reportage dans lequel tu a été très investi, tu as une espèce de « bad trip », tu ne veux pas rester seul. Mes amis sont toujours disponibles, ça m’aide à partir et à revenir, ça m’aide à être bien dans ma tête.

Cependant, je ne peux pas m’inscrire à un cours de ceci ou cela, je fais footing ou de la boxe quand j’ai le temps, souvent seule à cause de mes contraintes.

Est ce que tu fais des photos à plein temps, où tu as d’autres activités ?

Je donne des cours une journée par semaine sur les périodes scolaires dans l’école de photo EFET à Paris. Le reste du temps je voyage beaucoup. En moyenne, je passe 3 mois par an dans un autre lit que le mien mais ça peut être très variable.

Par exemple, pour un reportage, je suis partie 3 semaines au Pôle Nord. Quand je pars en reportage j’aime bien rester quelques jours, surtout quand je suis dans une unité. Quand tu arrives tu es l’objet de curiosité, les gens ne sont pas naturels, il faut que les gens apprennent à te faire confiance un minimum pour qu’ils t’oublient. Au final, les gens t’aiment ou pas, mais tu fais partie de leur quotidien du moment.

Quel est ton souvenir de reportage le plus intense ?

C’était justement au Pôle Nord. La lumière était d’un bleu incroyable, nous étions à la fin de la nuit polaire, où la lumière bleue du crépuscule dure plus longtemps. C’est un kif de photographe, tu ne vois pas le soleil mais c’est splendide !

A un moment, l’hélico se pose devant le « rescue man » qui l’appelle au sommet d’un glacier. La scène se déroule à contre jour, la lumière est splendide. Le sauveteur reste bien accroupi les bras bien écartés. Je me fais repeindre par la neige mais le contre jour est sublime. A ce moment là, je sais pourquoi je me lève le matin et même le matin ou je me lève pour la compta ou pour relancer un client.

Au fait, qui c’est Tigrou ?

Ah ah ! C’est ma mascotte ! Il faut savoir qu’il y a énormément de mascotte dans l’univers de l’aéro. C’est assez commun d’avoir sa propre mascotte. Cela permet de faire des photos assez décalées. Une fois j’ai visité l’A400M, et j’ai vu « Rocky », ce gros dindon avec galons de comandant qui servait de mascotte à l’équipage.

Le concept m’a plu : j’aime les tigres et je voulais qu’il ai de grands bras pour pouvoir passer des galons. J’ai donc recruté Tigrou !

C’est un objet ce com’. Il permet de faire une photo avec quelqu’un ou quelque part pour dire « J’y étais ». C’est un moyen de faire une photo « mytho » détourné, originale et donc d’assumé le côté mytho en faisant porter le chapeau à ma mascotte !

C’est marrant parce que cela prend même de l’ampleur. Un jour, un client m’a dit de ne pas oublier tigron avant de partir en reportage corporate. C’est un autre vecteur de com, un peu moins policé. Cela montre que je ne me prends pas trop au sérieux

Tu es très présente sur le web et les réseaux sociaux ! Qu’est ce que cela t’apporte ?

Flickr m’apporte du business. On ne le sait pas forcément, mais beaucoup d’iconographes passent par Flickr, autant dans la presse que pour les agences de com. Si tes images sont bien référencées sur flickr et qu’il y a tes coordonnées, ça marche bien.

Concernant Facebook, j’aime de moins en moins y être à titre perso, mais j’ai un paquet d’amis qui ne sont pas à Paris ou en France et c’est cool de pouvoir communiquer avec eux en direct.

Twitter me sert de veille, je suis des comptes qui me donnent des liens vers des actualités qui m’intéressent. Surtout pour la défense et la sécurité.

En fait, j’ai toujours été un peu « geekette ». Internet te permet d’avoir une communication presque gratuite, que tu payes avec du temps. Et cela te permet d’avoir des contacts sympas avec des gens.

Quel est le conseil que tu donnerais à un photographe, amateur ou professionnel, pour qu’il progresse ?

Pratiquer, encore et toujours, ne jamais s’asseoir sur ses lauriers continuer à tester, expérimenter, prendre des risques: ça ne paye pas toujours directement mais au long terme, ça marche. C’est une citation du Hagakuré qui me tient a cœur « je suis aujourd’hui meilleur qu’hier et demain je serai encore supérieur ».

Pour en savoir plus sur Sandra :

http://www.sandrachenugodefroy.com/

https://www.facebook.com/SCG.photographe



photographe professionnel
Fred
Photoreporter professionnel pour la presse magazine (Paris Match, VSD, le Figaro Magazine, le Pèlerin, Géo Ado, Stern, etc...)
2 commentaires
  • […] LIRE LE PORTRAIT COMPLET Destination Reportage […]

  • LAP1masqué
    Mai 9,2016 at 23 h 02 min

    Un portrait très sympa et les photos sont superbes. Merci à Fred de nous faire découvrir cette photographe qui a choisi une spécialité difficile. J’aurais aimé aussi savoir quel type de matériel elle utilise. J’ai l’impression qu’elle n’est pas en Fuji 🙂

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