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Vlog Photo #20 Conseils de photographe professionnel avec Wilfrid Estève (Hans Lucas)

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Nous sommes toujours à Paris cette semaine, pour rencontrer des photographes très talentueux et dont les enseignements vont grandement vous aider si vous voulez progresser dans cet art qu’est la photo, ou même si vous voulez passer « pro ».

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Photojournalisme, rencontre avec Julien Goldstein (Getty Images)

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Le photographe Julien Goldstein (Getty Images) a donné un cours dans le cadre du Diplôme Universitaire de photographie documentaire et d’écritures transmédia de Carcassonne.

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Voyage au coeur de la ZAD avec un smartphone

Pendant plusieurs mois, le photojournaliste toulousain Frédéric Scheiber a réalisé un travail complet sur la ZAD de Sivens, dans le Sud-Ouest de la France, avec la particularité de travailler en N&B et au smartphone. Vendredi 9 octobre prochain, une projection du web documentaire qu’il a réalisé avec Marine Vlahovic, aura lieu à Toulouse.

Une série de portrait à l’IPhone

Le portrait n’est pas l’aspect le plus simple de la photographie, encore moins avec un téléphone et une application comme Hipstamatic qui ne laisse pas le droit au recadrage. Mais pour ce photographe toulousain talentueux, c’est un art qui est largement maîtrisé, car fort de ces 15 ans de photojournalisme, Frédéric Scheiber a déjà eu l’occasion de « shooter » des milliers de personnes et personnalités.

Et comme il l’explique, le téléphone possède des avantages pour la pratique du portrait car « il y a un contact regard-regard, alors qu’avec un reflex, on ne voit plus la personne, ça fait grosse mitraillette ».

Un avantage de taille pour cette série sur les « zadistes », car ces révolutionnaires des temps modernes, qui se font appeler ici et là « Camille » en référence à 1789, ne sont pas toujours très sociables avec les journalistes, qu’ils considère fréquemment comme des intrus ou des ennemis.

« Malheureusement après le décès de Rémi Fraisse il a été très compliqué de travailler sur la ZAD et beaucoup de journalistes en ont fait l’expérience », ajoute Frédéric Scheiber. Voitures vandalisées, menaces de mort et même agressions, même si ce n’était pas du fait d’une majorité de zadistes, le simple fait de marcher équipé d’un appareil photo ou d’une caméra à Sivens, pouvait être dangereux.

Un angle journalistique inédit

Même si plusieurs rédactions ont titré sur « qui sont les zadistes ? », rares sont les reportages au long cours sur ce phénomène de société et surtout la personnalité de ces jeunes et moins jeunes, engagés dans ce bras de fer avec gouvernement et gendarmes mobiles.

Le travail de Frédéric Scheiber permet d’aller au-delà des coupures de presse très généralistes sur la question de la ZAD, car il a voulu dès le départ aller à la rencontre de ces zadistes, en passant du temps avec eux, en discutant et en les revoyant plusieurs fois, avant même parfois de les prendre en photo avec son smartphone.

Marine Vlahovic, une journaliste rédactrice, toulousaine et indépendant elle aussi, qui l’a accompagné plusieurs fois sur la ZAD a ajouté du son à ce vaste travail photographique, et a donné naissance à un incroyable web documentaire.

Le choix du noir et blanc

« Quand je suis arrivé sur la ZAD et que j’ai vu ce champ apocalyptique avec les cadavres d’arbres partout, le noir et blanc m’a semblé être une évidence », raconte Frédéric, « J’ai fait du 24×36 couleur « classique » pour la presse, parce qu’il le fallait, mais pour moi le sujet devait être traité différemment. En noir et blanc déjà, parce que j’aime ça, et avec l’IPhone parce que les fichiers étaient déjà directement visibles en N&B, et comme je n’aime pas trop retravailler ni recadrer mes images, c’était parfait ».

Comme le concède le journaliste, « faire de la photographie au téléphone peut sembler un peu extravaguant, ce n’est pas encore approuvé par certains directeurs de festivals ou de chefs de services photos, mais les téléphones ont la capacité de faire de très bons fichiers et c’est presque l’équivalent de mon petit Minox, qui permet d’être discret et proche de son sujet », et de conclure, « Je comprends qu’on peut le décrier, mais il faut aussi savoir voir les résultats. On peut faire de très bonnes photos avec son smartphone ».

Découvrir le travail de Frédéric Scheiber : son site internet

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Wilfrid Estève (Hans Lucas) : « Réfléchir en termes de narration et donner de la profondeur à sa production »

A l’occasion du dernier Visa pour l’Image, LE festival international du photojournalisme de référence, j’ai eu le plaisir d’interviewer Wilfrid Estève. Ce professionnel de l’image possède un très impressionnant CV à rallonge, et notre échange a été tellement riche, que j’ai décidé de vous proposer non pas une, mais deux interviews de ce photographe, enseignant et producteur reconnu.

Dans le premier « volet », j’avais interrogé Wilfrid sur son rôle de président de l’association reconnu d’utilité publique « Freelens » et sa vision du photojournalisme.

Dans cette deuxième partie, nous parlons de la boîte de production qu’il a monté et qui est rapidement devenue une référence dans l’univers de la photo de presse, à savoir la structure Hans Lucas.

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Pierre Faure et Wilfrid Estève photographiés dans le cadre des rencontres d’Arles.

« Destination Reportage » : Qu’est ce que Hans Lucas ?

Wilfrid Estève : Au départ c’est une boîte de production dédiée aux formats multimédia dans lesquels la photographie est dominante. Le studio a été monté par deux photographes, Virginie Terrasse et moi-même, Lorenzo Virgili nous a rejoint en 2009. Nous nous complétons assez bien au niveau des caractères et des compétences.

Depuis 2006, nous avons produit une douzaine de webdocumentaires et près de 180 court-métrages photographiques sont présents sur notre chaîne « Vimeo ». En 2009, nous avons ajouté une activité au studio, la formation continue et initiale. Nous avons notamment participé à la création de trois diplômes universitaires en photojournalisme, photographie documentaire, réalisation vidéo & écritures transmédia et avons un fort partenariat avec le CFPJ Médias. Depuis cette année, nous organisons en partenariat avec le GRAPH-CMI et le 3e RPIMA un stage en zone de tension à Carcassonne. Par ailleurs un master en photojournalisme est en cours de création avec l’Université de Perpignan.

En 2011 nous avons décidé de développer une troisième activité toujours en lien avec la photographie : la création d’une plateforme collaborative et de diffusion. Son fonctionnement est réalisé de manière horizontale, l’ensemble des membres (près de 160 photographes) sont impliqués dans sa gouvernance. Sans être une “usine à gaz”, les échanges sont nombreux et respectueux. Chacun réalise un retour du marché qu’il connait ainsi que de sa pratique professionnelle (nous réunissons l’ensemble des écritures, de la photographie plasticienne au photojournalisme). Les “lucasiens” se cooptent beaucoup sur la plateforme, ils n’hésitent pas à se recommander auprès de clients ou à se proposer du travail.

Hans Lucas a souvent été précurseur et à contre-courant, le côté laboratoire expérimental et électron libre nous anime. Avec la communauté nous cherchons à créer des alternatives et du lien.

La création de la plateforme correspond au moment où nous sommes partis de l’agence Myop avec Virginie Terrasse.

Pourquoi ce départ ?

Parce qu’il y avait un certain nombre de choses que nous n’avons pas pu faire au sein de la structure (je précise que le projet Myop, n’avait rien à voir avec celui de la plateforme d’Hans Lucas). Je suis arrivé en tant que co-directeur (en plus de photographe) avec un plan sur trois ans sur ce que je souhaitais insuffler à l’agence Myop en tant que structure. Hans Lucas avait un tiers du capital de l’agence.

Même s’ils ont validé le plan à notre arrivée et que beaucoup de points ont évolué durant deux ans, certaines choses étaient compliquées dans le fonctionnement. En 2010 nous avons décidé d’un commun accord de nous retirer de Myop, de développer une plateforme et un logiciel à l’intérieur d’Hans Lucas

Le regard que j’ai sur Myop est bienveillant, aujourd’hui je continue d’être en étroite relation avec des membres du groupe. Tout comme Tendance Floue, la structure est une référence et je les en félicite. 

Photo de Gaël Turpo

Quelle est la relation entre le studio et ses photographes ?

Avec le studio, nous accompagnons beaucoup les photographes. La mise en relation est aussi primordiale. Si le photographe n’est pas « coopté » avant de se présenter à l’iconographe, cela peut-être compliqué… On oublie souvent que les éditeurs photos sont très sollicités et parfois de manière maladroite.

Hans Lucas est une interface entre ses membres et les rédactions. A la fois une filtre et une boite à outil numérique. Nous pouvons intervenir sur l’ensemble du processus d’un photographe : réalisation d’un folio, d’un synopsis, d’un dossier d’aide, mise en relation avec les clients, prise de rendez-vous, facturation, diffusion d’archives, personnal branding… L’idée est d’émanciper les membres et de les rendre autonome. D’ailleurs rapidement, ils aident les nouveaux membres et participent indirectement aux démarchages. Il y a un fort esprit d’entraide.

Chaque nouveau membre reçoit une bible littéraire (document assez répandu dans les sociétés de production et projets audiovisuels) sur ce que nous sommes et proposons.

Dans l’introduction, j’ai repris un extrait de mon édito de “Photojournalisme à la croisée des chemins”, nous annonçons clairement les intentions de la plateforme collaborative et de diffusion :

“Aujourd’hui, nous devons tous adopter une philosophie de l’action. Nous ne devons plus nous accrocher à notre passé comme à un bouclier ; pointons-le au contraire comme le fer de lance de notre évolution. Notre profession se doit d’anticiper les changements plutôt que de les subir.

Pour ma part, je vous dirai que rien n’est joué d’avance. Même si le pouvoir d’empêcher n’oblige jamais à rendre des comptes, alors que celui d’avancer nécessite constamment de se justifier, il nous appartient d’écrire ensemble notre avenir. D’aller contre l’isolement, de résister et de contribuer à bâtir un autre modèle.

Le débat est simple : Doit-on continuer à alimenter la réalité virtuelle de fonds d’images toujours plus volumineux ou bien créer et imposer une structure de distribution indépendante avec une réelle politique éditoriale ? L’enjeu est de taille pour les photographes. Il est temps que chacun prenne ses responsabilités et que l’on arrête de se lamenter. Nous sommes économiquement trop faibles pour nous entretuer ; une telle ambition n’est possible que sur la base de l’union et de l’ouverture. Aucun succès ne peut être bâti sur l’immobilisme et il ne peut y avoir de solution ni maintenant, ni demain, ni jamais, si nous ne sommes pas capables de nous additionner.”

En quoi correspond le logiciel que vous développez au sein de la plateforme ? 

Ce logiciel s’appelle Hermès, il a des allures d’un WordPress. Depuis 2010 nous le développons au jour le jour et l’adaptons aux pratiques d’un photographe. C’est un budget important, Hermès propose de nombreuses fonctionnalités à nos membres, notamment d’envoyer des fichiers sur PixPalace, mais aussi de transférer des lots de photographies à des clients, de faire des galeries téléchargeables en mode privée, d’avoir une boutique en ligne, de générer un magazine en ligne interactif… Au-delà de cela, il est totalement sécurisé et fait office de sauvegarde.

Quel est ton point de vue sur la photo mobile et ce qu’on appelle l’iphonographie ?

Aujourd’hui les mobiles possèdent de très bonne résolution, en tant que tel c’est un bel outil. Il y a des “iphonographes” ou “Instangramers” au sein de studio hans lucas, c’est un pratique qu’ils font en plus, en complément d’une série. Il s’agit d’une photographie décomplexée, souvent une photographie de rue ou alors assez intime.


Est ce que la vidéo est l’avenir du photojournalisme ?

Oui mais pas que. D’une part l’appareil photo permet deux écritures, celle de l’image fixe et celle de l’image animé, et d’autre part, cela ouvre la porte à plusieurs marchés et demandes.

Ce qui est intéressant aujourd’hui c’est de voir que la photographie existe en toute pertinence dans les réalisations audiovisuelles et qu’elle peut vivre de manière non redondante dans la presse ou l’édition. De belles complémentarités existent aussi dans les festivals, galeries ou musées : projections et installations sonores peuvent compléter une exposition.

Qu’en est-il des agences de presse ?

C’est compliqué car elles restent principalement sur le marché de la diffusion photo, qui est complexe et a beaucoup évolué depuis les années 90. La plupart ont quitté le terrain de la production et restent sur la diffusion de fonds d’images.

Pour moi la “crise du photojournalisme” est un mot valise qui ne veut trop rien dire et profitent à certains. Disons qu’il y a un marché qui s’est à la fois ouvert ou réduit si on continue d’avoir les mêmes pratiques qu’en 90.

Tout ce qui est de l’ordre des galerie, des collections, de la production audiovisuelle, multimédia, interactive, demande une expertise particulière, une manière différente d’aborder la production et la diffusion.

D’où l’essor de collectifs dans les années 90 comme Tendance Floue ou L’Oeil Public, la création de plateformes de diffusion comme Fédéphoto dans les années 2000, de la coopérative Picturetank ou de petites agences dirigées par des photographes ou des éditrices, je pense à Myop ou Signatures. Cela correspond à des pratiques plus « libérées » dans lesquelles les photographes se reconnaissent plus. La plupart en avaient marre d’être soit mal représentés ou de ne pas être en direct avec les éditeurs photo. En réaction ils ont créé des structures plus « autonomes » et protéiformes. 

Photo de Xavier de Torres

Est ce que ça va remplacer l’agence ?

Non, je pense que l’agence restera mais évoluera plus vers un statut d’agent. Nicolas Pasco est un bon exemple avec “Pasco and Co”. En toute logique il devrait quitter le champs du portrait et proposer aussi des séries documentaires ou créatives. Tout comme Signatures s’est aventuré avec succès dans le domaine de l’exposition.

Aujourd’hui, il a y la place pour des structures hybrides pour les photographes, dans laquelle il peut être à la fois en relation directe avec les rédactions, accompagné dans des projets et diffuser très correctement ses archives.

C’est important d’avoir un pied dans les rédactions parce que c’est comme cela que l’on palpe le pouls du marché. On sait ce que cherchent les médias, comment ils fonctionnent, on peut anticiper la demande, être force de proposition. Le photographe n’est plus simple “spectateur” mais “acteur” de son activité dans les médias.

Les problèmes récurrents de 3/4 des agences sont une certaine opacité (suivi des publications aux photographes, prix des photographies…) et le manque de relationnel avec les photographes diffusés. L’idéal est d’être à la fois présenté aux rédactions, accompagné dans ses projets et diffuser ses archives.

Pour finir, est ce que tu peux partager quelques conseils photo pour les lecteurs du blog ?

Une chose importante, c’est la préparation, réfléchir à ce qu’on va faire… Dans quel état esprit ? Quel sens donner à sa démarche ?

En gros réfléchir en termes de narration et donner de la profondeur à sa production. Il y a de nombreuses pistes d’inspiration comme, par exemple, partir sur les traces d’un roman ou d’un écrivain, suivre les publications d’universitaires… Il faut avoir une cohérence dans le récit ou dans une problématique, un fil conducteur, parce qu’il n’y a rien de plus pénible que de voir des projections de photos individuelles d’illustration qui se succèdent.

En photographie de voyage, les amateurs ou les jeunes photographes présentent typiquement des photos d’enfants à « tire larigot » qui les regardent et sourient… C’est dommage parce qu’il y a tellement d’autres choses à faire. Ne serait-ce que de réfléchir à “sa” lumière.

Les jeunes photographes ne préparent pas forcément les conditions de leur prise de vue. Si tu t’aventures hors des sentiers battus, tu peux appréhender différemment le lieu dans lequel tu es. Avec ton propre point de vue. Il faut chercher ce que l’on a envie de dire, réfléchir à sa photographie. Ce travail touche autant le fond que la forme. L’essentiel étant de trouver sa propre écriture.



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Wilfrid Estève : « FreeLens sensibilise aux nouvelles écritures photographiques »

A l’occasion du dernier Visa pour l’Image, LE festival international du photojournalisme de référence, j’ai eu le plaisir d’interviewer Wilfrid Estève. Ce professionnel de l’image possède un très impressionnant CV à rallonge, et notre échange a été tellement riche, que j’ai décidé de vous proposer non pas une, mais deux interviews de ce photographe, enseignant et producteur reconnu.

Dans ce premier « volet », j’ai interrogé Wilfrid sur son rôle de président de l’association reconnu d’utilité publique « FreeLens » et sa vision du photojournalisme.

Dans la deuxième partie, on parlera de la boîte de production qu’il a co-fondé et qui est rapidement devenue une référence dans l’univers de la photo de presse, à savoir la structure Hans Lucas. Ce deuxième épisode sera publié sur le blog dans les prochains jours. Afin d’être averti de sa sortie directement par mail, inscrivez vous à la newsletter du blog sur ce lien !

« Destination Reportage » : Bonjour Wilfrid, est ce que tu peux nous dire ce qu’est Freelens ?

Son histoire est atypique. Elle est liée avec celle de l’ANJRC (Association Nationale des Journalistes Reporters et Cinéastes), organisation professionnelle qui rassemblait depuis 1962, photojournalistes et documentaristes. 

FreeLens était un mouvement spontané des jeunes photographes mobilisés pour faire face à la multiplication de contrats illicites proposés à la profession par certains groupes de presse. Après avoir rédigé un « Manifeste » fondateur et organisé un débat au festival Visa pour l’Image, ce mouvement s’est transformé en association (présidée par Lorenzo Virgili, son initiateur) durant l’automne 2000. Photographe signataire du manifeste, j’ai rejoint ainsi l’aventure et suis devenu administrateur de FreeLens. 

En 2003, l’ANJRPC et FreeLens ont fusionné pour mieux représenter les intérêts des photojournalistes. C’est aussi dans le même esprit d’ailleurs qu’en 2009, nous avons cofondé l’UPP avec l’UPC. L’idée était d’avoir une seule organisation professionnelle en France. 

Les administrateurs de FreeLens ont pris la décision de ne pas dissoudre l’association mais de la réorienter vers une structure toujours centrée sur la photographie mais ouverte à un ensemble de publics. Aujourd’hui, nous rassemblons des iconographes, des professionnels confirmés ou émergeants, des amateurs, des critiques, des enseignants, des étudiants, d’où la reconnaissance d’utilité publique en 2009. 

Tu es, depuis 2004, président de FreeLens, quelles sont les missions de cette association ? 

La mission de FreeLens est multiple, je tiens d’ailleurs à saluer le travail de ses administrateurs qui est remarquable. Nous cherchons à créer des espaces d’échange et de réflexion entre des publics différents, nous œuvrons en France et à l’étranger pour le rayonnement de la photographie ainsi que celui de ses représentations multimédia. Nous agissons comme un laboratoire à idées, d’accompagnement, de valorisation et de transmission des patrimoines et des connaissances. 

Nous essayons de concilier aussi les intérêts des différentes communautés, sur l’identité numérique par exemple, aussi liée à l’image, ou en expliquant aux professionnels ce qu’il en est de l’apport des amateurs dans la photographie et aux photographes amateurs de dire « attention » à certaines pratiques (plateformes communautaires par exemple) dont les conditions d’utilisation sont parfois ambiguës.

La parenthèse FreeLens à la Gaîté Lyrique en 2014 – photographie de Cécile Dégremont

Justement, on parle souvent de conflit entre les « pros » et les amateurs, qu’en penses tu ?

Franchement j’ai dû mal à comprendre ce débat, il ne correspond pas non plus à la réalité. La photographie amateur a toujours existé. Chaque photographe avant d’être professionnel a été amateur et la photo amateur à complètement sa place l’histoire de la photographie. Au regard du nombre de workshops, d’ateliers ou de masterclass, qui se multiplient depuis des années et du retour que j’en ai, la communauté des amateurs a un grand respect pour le travail des professionnels et les deux communautés coexistent de manière sereine.

Au niveau des pratiques, un professionnel est souvent là pour raconter une histoire, amener une narration, tout en respectant un code de déontologie. De son côté, présent quasiment partout, l’amateur et son appareil photo sont de fait, des témoins précieux. De l’assassinat de Kennedy au Tsunami de 2004, en passant par le crash du Concorde… L’amateur est au coeur de l’évènement et avec la banalisation des appareils à photographier (mobiles etc), il fait la photo. Le professionnel vient dans un temps deux, il fait attention au respect des sources et amène du sens à l’histoire.

 

Dans sa pratique, l’amateur n’a jamais souhaité prendre la place du professionnel.

Il est important de rappeler que beaucoup de problèmes sont apparus avec l’exploitation des photographies des amateurs, souvent à leurs détriments. Nous pouvons parler des concours lancés régulièrement par les médias, des évènements culturels ou des institutions comprenant une cession de droits vertigineuses et aucune rémunération. Si du côté des organisateurs de concours, les avantages sont nombreux dans ce type d’opération, l’amateur lui n’a pas forcément conscience du tort que cela cause aux professionnels. 

Un autre problème est la diffusion des photographies d’amateurs dans les médias, notamment via des structures comme « Citizen Side »… Cette structure fait des ravages au sein de l’offre des professionnels de l’information. J’ose espérer que dans les rédactions, les détenteurs de carte de presse, sont conscients que c’est non seulement apparenté à du travail dissimulé mais aussi à de la pratique déloyale. C’est d’autant plus regrettable qu’elle est diffusé par l’AFP et que les journaux qui reprennent ces photographies possèdent des numéros de commission paritaire. 

La CCIJP (Commission de la Carte d’Identité des Journalistes Professionnels) devrait demander un minimum de respect de la Charte d’éthique professionnelle et du code de déontologie. Il en est de même du respect du dispositif général des aides publiques à la presse délivrées par l’Etat. Il est temps que ces abus soient pénalisés.

C’est d’ailleurs le même problème avec les correspondants de presse…

Effectivement alors que travail réalisé soit globalement le même, le correspondant de presse n’est ni un journaliste, ni un journaliste pigiste. Leur activité est classée dans les activités professionnelles dites libérales et non réglementées. Leur statut  n’est pas reconnu par la CCIJP alors qu’ils alimentent les colonnes de la presse quotidienne régionale et même nationale. Dans les faits le lien qu’entretient le correspondant local de presse avec sa rédaction est aussi un lien de subordination, à ce titre il devrait avoir une carte de presse et voir son statut évoluer. 

Est ce que c’est la mission de Freelens que de chercher à résoudre ce problème ?

Cette problématique n’intervient pas le champs d’action d’une association reconnue d’utilité publique, je m’exprime à titre individuel en tant qu’ancien président de l’ANJRPC-FreeLens et vice-président de l’UPP. Cette question est du ressort de l’UPP. 

J’ai dû mal à comprendre pourquoi depuis 2008, l’Association interdépartementale des CLP n’est pas présente auprès des pouvoirs publics et dans les organisations nationales.

Quelles sont les actions concrètes de l’association RUP Freelens ?

Depuis 2009, nous réalisons une très importante réflexion et sensibilisation sur les nouvelles écritures, c’est à dire les nouvelles représentations de la photographie, tant au niveau des professionnels, que des médias, que du grand public, sur la présence de la photographie sur le web, que ce soit la vidéographie, la Petite Oeuvre Multimédia, le diaporama sonore, le webdocumentaire… C’est un vrai think tank, nous avons notamment créé deux prix.

Le prix POM est devenu le prix « nouvelles écritures » avec un appel à candidature international car il est réalisé en partenariat avec le  Zoom Photo festival canadien. C’est important d’être présent sur le marché des nouvelles écritures, avec l’essor de la vidéo sur le web, il faut accompagner l’ensemble des photographes dans ses nouvelles pratiques.

Pour ce qui est de la photographie, nous sommes sur l’aide ou le soutien aux étudiants, aux photographes émergents ou reconnus. L’idée est de préciser les bonnes pratiques, la création du prix Mentor en 2014 est un bon exemple.

Par ailleurs, nous sommes présents dans à peu près tous les festivals français et faisons partie des commissions du ministère de la Culture. 

Session coup de coeur du Prix Mentor à la Scam en 2014, photographie d’Etienne Maury.

En quoi consiste le Prix Mentor ?

L’idée est de faire prendre conscience au photographe, au niveau de sa pratique, à savoir se présenter, et présenter les sujets sur lesquels il travaille. Sur un premier tour de table, il va amener une série photo et va devoir en parler pendant 10 min. 5min sur la série, 5 autre sur sa pratique photographique, comment il fonctionne au niveau du marché. Il y a un coup de cœur public et pro.

Puis dans un second temps, il y a entre 8 et 10 sujets proposés à un jury pro et un seul sera retenu pour être réalisé pendant l’année qui arrive.

A la clé, il y a un accompagnement d’un an du lauréat, par des experts de la SCAM et de FreeLens, il y a aussi 5.000 euros, et une formation au CFPJ d’environ 5.000 euros également.

Que penses-tu du fait qu’il y a de plus en plus de photos sur le web ?

Nous sommes dans une société de l’image. László Moholy-Nagy a dit en 1931 « L’analphabète de demain ne sera pas celui qui ignore l’écriture, mais celui qui ignore la photographie », quel visionnaire!

Qu’il y ait beaucoup de photographies sur le web, dans les médias ou dans notre société est une réalité contre laquelle il est difficile de lutter.

Session coup de coeur du Prix Mentor à la Scam en 2014, photographie d’Etienne Maury.

En 2009 est arrivé le statut d’auto-entrepreneur aussi pour les photographes… 

Avec le statut de pigiste salarié puis le régime des Agessa qui lui est complémentaire, franchement, pourquoi avoir créer un statut supplémentaire ? D’autant que les entreprises de presse et les médias n’ont pas le droit de faire travailler des auto-entrepreneurs.

Il est aussi bon de rappeler qu’en cas d’octroi d’aides de la part du CNC pour un webdocumentaire, le statut d’auto-entrepreneur n’est pas reconnu.

Concernant le livre que tu as co-écrit en 2005 sur l’avenir du photojournalisme, qu’est ce que tu en penses avec du recul ?

En 2005, j’avais 11 ans de pratique photo et je travaillais beaucoup, pour un total de 25 rédactions à l’année. A cette époque je ne comprenais pas pourquoi toutes les initiatives qui évoluaient, au niveau du web ne touchaient pas la photographie (création des pure players, montée en force des sites d’informations généralistes sur le web…).

Au niveau du photojournalisme, je voyais un marché en récession, avec un état d’esprit qui n’était pas franchement des plus optimistes.

“Photojournalisme à la croisée des chemins” était à mes yeux un état des lieux de 10 années de métier. Je sentais que d’autres voies apparaissaient. Il a été une transition nécessaire pour évoluer et m’a permis de passer à autre chose. 

Qu’est ce que tu as envie de dire aux gens qui disent que le photojournalisme est mort ?

Qu’il n’a jamais été autant exposé dans le sens général du terme, c’est à dire, publié dans les médias, représenté dans les musées, les collections, les galeries, dans l’édition, sur le web, dans la vidéo, les webdocumentaires … Et à Visa, avec chaque année un nombre visiteurs en augmentation ! 

Au delà de Visa, il est aujourd’hui dans beaucoup de festivals et à même réussi, sous une forme plus documentaire, à intégrer les Rencontres d’Arles.

Avant il n’était que ici (à Visa), maintenant il est partout. Son modèle économique est viable, mais il faut réfléchir, anticiper, être organisé et prévoyant. Les photojournalistes doivent être formés, ils doivent planifier leur année. 

Autre chose, jusque dans les années 90 c’était un gros mot de dire que l’on faisait du corporate, de la publicité, que l’on travaillait en collaboration avec des ONG sur des projets éditorialisés ou que l’on faisait de la communication.

Paradoxalement les photojournalistes ne se posaient pas trop de questions sur qui dirigeait la presse en France et travaillaient pour des groupes détenus, soit par un marchand d’armes, des industriels ou encore des politiques.

Le Visa d’Or News de cette année a été décerné au photographe de l’ AFP News Agency Bülent Kiliç

Quand on regarde ce qu’il y a Visa, c’est soit la guerre, la misère, soit du sujet National Geo, quel est ton point de vue sur ça ?

Evidement le photojournalisme témoigne, souvent de zones de tension et de situations dramatiques. Mais pas que, il y a des choses positives aussi. La position de Jean-François Leroy est compliqué car il doit aussi composer autant avec l’offre des professionnels, de ses partenaires que les attentes du grand public. Compliqué de faire une programmation pour tous.

Même si je trouve que cela mériterait d’un peu plus de subtilité, ce sont ses choix et il les assume en tant que directeur du festival.

Est ce que cela ne pousse pas les jeunes photographes à « partir à la guerre » ?

Aujourd’hui, partir sur une zone de tension, cela ne coûte pas cher. Le problème c’est que lorsqu’ils sont sur place, les jeunes photographes se rendent compte que c’est un peu plus compliqué que ce qu’ils avaient imaginés… La question de l’assurance est essentielle, tout comme des relations sur place, cela coûte très cher de partir à la « guerre ».

Les rédactions réfléchissent à deux fois avant d’envoyer quelqu’un et de mémoire, Jean-François Leroy n’accepte plus de série produite sans commande de la presse. Les journalistes sont des cibles faciles et un moyen efficace pour mettre la pression sur un Etat.

… La suite dans le prochain épisode 😉



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L’épreuve d’une reporter de guerre, mère de famille

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L’épreuve – Erik Poppe – 2013 (sortie en France le 6 mai 2015)

Synopsis :

Rebecca est une photographe de guerre de renommée internationale. Alors qu’elle est en reportage en Afghanistan pour suivre un groupe de femmes qui préparent un attentat suicide, elle est gravement blessée par l’explosion d’une bombe. De retour chez elle en Irlande, pour se remettre de ce traumatisme, elle doit affronter une autre épreuve. Marcus, son mari et Stéphanie, sa fille ainée de 13 ans, ne supportent plus l’angoisse provoquée par les risques que son métier impose. Rebecca, qui est déchirée entre les souffrances qu’elle fait subir à ses proches et sa passion de photoreporter, doit faire face à un ultimatum : choisir entre son travail et sa famille. Mais peut-on vraiment échapper à sa vocation, aussi dangereuse soit-elle ? Renoncera t-elle à couvrir ces zones de combats, et à sa volonté de dénoncer la tragédie humaine de son époque ? (source : Allociné)

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Mon avis :

Encore un film sur la photographie qui parle et qui remue les tripes ! Pas besoin d’être photographe pour s’identifier à ce personnage tragique qu’incarne merveilleusement bien Juliette Binoche. Ce film s’inscrit dans la suite logique de superbes longs métrages sur la thématique du reportage de guerre, dont je vous ai déjà parlé longuement sur ce blog. Son scénario le place entre un « Bang bang club » et un « Salaud on t’aime« , c’est à dire entre l’action pure de la prise de vue en zone de conflit, et aussi le terrain plus psychologique et en « zone de paix », le cadre familial et affectif du personnage.

Mais il y a quelque chose en plus dans ce film. Quelque chose d’admirable que l’on ne retrouve pas dans d’autres oeuvres cinématographiques, ou du moins qui n’est pas « joué » aussi bien pour permettre au spectateur de bien comprendre les choses. Il s’agit de la réponse à la question que tout le monde se pose quand il est question de reporters de guerre à savoir « pourquoi partent ils à la guerre et pourquoi risquent ils leur vie pour des photos ? »

Et ce qui est absolument admirable, c’est la façon dont l’actrice principale parvient à donner une réponse, certes avec des mots, mais surtout avec ses actions, son comportement et son jeu d’actrice (on sent qu’elle a été coachée par le photographe Zoriah Miller). Et cette réponse, c’est tout simplement que cela ne s’explique pas et que c’est plus fort qu’elle… Un film à voir !

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Pour aller plus loin :

=> Ma sélection de films sur la photographie et le voyage



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Ulrich Lebeuf : “On a oublié que notre métier c’est raconter la société, raconter des histoires “

La photographie est un univers qui évolue au fil des innovations technologiques certes, mais avant tout, à travers les photographes, qui portent des regards originaux et en constantes évolutions sur la société. C’est le cas du photographe toulousain Ulrich Lebeuf, avec qui j’ai eu le plaisir de m’entretenir un long moment sur notre métier et ses évolutions.

Est ce que tu peux te présenter pour les lecteurs du blog ?

Ulrich Lebeuf : Je suis photographe indépendant, membre de l’agence Myop, plutôt identifié dans la photographie documentaire puisque je travaille essentiellement pour la presse depuis plus de 15 ans. Presse magazine pendant des années, en international et autour des voyages. Beaucoup plus en France depuis les élections de 2012, où je m’intéresse de plus en plus aux questions de société. Et puis à côté de la presse je développe des projets plus personnels destinés à être exposés ou édités en livre.

Donc tu es aussi auteur photographe ?

Que ce soit dans la presse ou dans autre chose, je défends la démarche d’auteur. Je place un photographe au même titre qu’un écrivain. J’ai toujours défendu ma façon de photographier, ma manière de regarder, j’ai toujours assumé pleinement ma subjectivité. Par exemple, je refuse qu’on recadre mes photos. Ce n’est pas un caprice, c’est juste comme si on s’amuser à placer des virgules au milieu des phrases d’un écrivain…

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D’où la création du collectif « Odessa » dont tu es à l’origine ?

Exactement. C’est dans cette démarche de liberté et de se donner les moyens de façon collective et surtout de défendre une photographie d’auteur, face aux grandes agences de l’époque que l’on a monté ce collectif.

Aujourd’hui tu es dans une autre structure, Myop, est ce la même chose ?

Myop c’est très particulier. C’est un peu un mix de pleine chose. Tu vas y retrouver des photographes de grandes agences, de Sigma, de l’AFP ; tu vas retrouver des photographes des grands collectifs, et des photographes de collectifs plus petits ; et puis tu vas retrouver des purs et durs indépendants. Myop c’est un peu tout ça. C’est un collectif dans le sens où il y a 15 membres, cooptés et acceptés par tous les photographes, qui décident donc de l’avenir de l’agence. Mais en même temps il y a un directeur qui est là pour trancher.

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Est ce que tu te considères comme un photographe humaniste ?

Moi je suis un indépendant qui appartient à une famille photographique, qui est Myop. Je me considère comme un photographe tout court, je ne suis pas fan des étiquettes… Je suis un photographe qui évolue, qui n’a pas forcément les mêmes envies aujourd’hui que à mes débuts.

Est ce qu’il y a un lien entre ton amour pour le voyage et ton histoire avec la photographie ?

Mon histoire avec la photo n’a pas commencé avec le voyage, mais ça a été un prétexte pour le voyage. J’ai commencé la photographie, non pas pour l’amour de la photographie mais pour partir. Parce qu’en classe j’étais plus du genre à regarder par la fenêtre et je n’avais qu’une envie, c’était d’aller ailleurs ! J’ai toujours été extrêmement curieux et j’ai découvert que la photographie est un excellent prétexte pour s’inviter chez les gens, pour s’inviter là où on n’est pas invité. C’est seulement des années après, quand j’ai eu un peu moins de commandes, que j’ai commencé à me poser des questions et développer une approche plus personnelle des choses. C’était une deuxième étape de ma vie, il y a un peu moins d’une dizaine d’année.

Tu as énormément voyagé du fait de tes travaux pour la presse…

J’ai eu une chance inouïe ! Des magazines m’ont demandé de traverser l’Alaska et Madagascar pour raconter des histoires, de partir en Russie, tout ça en commande. Pendant très longtemps, j’ai vendu à des magazines des sujets de voyage où en gros je leur disais « je pars d’un point A, je vais à un point B, et je vous raconte ». L’histoire c’est celle qu’on découvre, c’est ça je journalisme ! Quand tu fais ça, tu risques de rencontrer des gens, tu risques de prendre le pouls d’un pays, tu risques de te perdre, et quand on se perd on découvre des choses. On découvre des choses sur soi-même et on découvre des choses de là où on est. Il faut se laisser porter.

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Quelle est ta vision du photojournalisme ?

J’adore le métier de journaliste, de reporter. J’adore faire des images des hommes politiques, c’est mieux que le meilleur épisode des « Soprano », mais en même temps j’ai le sentiment de m’éloigner de plus en plus du reportage. J’ai l’impression que la presse papier est en train de courir après les chaînes d’infos en continu, ce qui est une bataille totalement perdue d’avance.

Et au lieu de courir, j’ai envie de dire, pourquoi ne pas ralentir et revenir à quelque chose de plus lent ? Je pense que les gens ne sont pas dupes. Ça fait des années que j’entends des rédacteurs en chef te dire, quand tu proposes un sujet, « ah oui mais non, c’est pas ce que veut le lecteur ».

Cette phrase elle est d’une stupidité sans nom, parce que s’ils savaient ce que veut le lecteur, ben les journaux se vendraient beaucoup mieux. Je pense que les lecteurs veulent une chose : qu’on leur raconte des histoires, à la première personne. C’est la première vocation de la presse.

On a oublié que notre métier c’est raconter la société, raconter des histoires. On est dans l’urgence, dans le consommable, mais ça ne marche plus. Il faut revenir à l’essentiel.

Tu fais parti des photographes qui ne vivent que de la presse, est ce qu’il t’arrive également de faire des workshops ?

Je fais des workshops mais ça représente une faible partie de mes revenus. Je fais ça parce que j’aime de plus en plus transmettre. J’encourage et je soutiens en ce moment, un groupe de photographe en Algérie et un à Dakar à ce regrouper sous la forme de collectif.

535359_3937261475151_938298200_nCrédit photo : Fred Lancelot 

Au niveau du matériel, tu sembles inséparable de ton Leica M !

Leica c’est le meilleur stylo que j’ai trouvé pour écrire. Après, Leica c’est hors de prix, soyons raisonnable… c’est un luxe pour moi. J’ai un crédit de 5 ans sur mon matériel photo, et à côté de ça je n’ai pas changé de voiture depuis 12 ans… et elle est pourrie ! C’est un choix de vie. Je n’ai qu’un crédit dans la vie, c’est sur mon matériel photo.

Quel serait ton conseil pour un jeune photographe qui veut se lancer ?

On peut se nourrir des travaux des autres photographes, c’est évident. Mais je pense que dans le reportage en général, ce qui est important c’est la narration.

Je conseillerais aux photographes qui arrivent sur le marché de faire de la narration à la première personne. Car tout le monde est capable de faire de la photographie. Ma fille a 12 ans, elle fait des photos nettes, bien exposées avec le sujet au centre.

Donc pour faire la différence il faut faire de la photographie plus personnelle, qui sera identifiée, qu’on aura le droit de détester, mais aussi qu’on aura le droit d’aimer. Et pour apprendre à raconter des histoires, rien de mieux que le cinéma et la littérature.

Et pour un photographe amateur qui veut juste se faire plaisir en voyage ?

Je dirais qu’il faut bannir le téléobjectif, de n’utiliser qu’une focale fixe de 35mm pour être près des gens et donc les photographier, mais les rencontrer aussi. Ne pas garder cette posture de photographe qui observe les choses de loin.

Être dedans.

Quand on s’intéresse au gens, ces derniers sont très heureux, et ils donnent plein de chose. Par ailleurs, la focale fixe nous oblige à chercher. Et quand on cherche, on risque de trouver.

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Pour en savoir plus sur le photographe et son travail : www.ulrichlebeuf.fr

A noter également que Ulrich est le directeur artistique du festival photo toulousain MAP.

Crédits photos sans mention : Ulrich Lebeuf (sauf image de Une)
 



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[Défi photo] Une « manif au 50mm »

L’univers de la photographie est passionnant, surtout parce qu’il est possible d’apprendre sans cesse et s’améliorer au fil des prises de vue et des reportages. Lorsque j’ai commencé à exercer ce métier et que j’ai rencontré des professionnels, notamment des photojournalistes, l’une des premières leçons que l’on m’a donnée a été l’obligation d’être curieux et tenter des expériences.

Changer les cadres, tester différentes focales, jouer avec la profondeur de champ, chercher les angles insolites, autant d’exercices auxquels tous les professionnels doivent se plier lors de leurs reportages afin de « sortir » des images différentes de ce que les confrères-concurrents vont réaliser également.

Par ailleurs, même si la photo de presse est un métier très exigeant, c’est également une passion, une envie, un besoin même pour certains. Même lorsque l’on est en commande pour un magazine ou une agence, on cherche toujours à se faire plaisir personnellement.

Pour ma part, cela passe par apprendre et progresser. C’est pourquoi il m’arrive parfois de me lancer des défis sur certains sujets. Dernièrement, j’ai profité d’un événement « news » pour exercer mon regard et mon cadrage en m’imposant d’utiliser uniquement une seule focale pour couvrir le sujet, en l’occurrence, une manifestation contre le projet de Sivens.

C’est donc avec un seul boitier, mon fidèle D4 et une optique, mon 50mm 1.4, que je pars en cette pluvieuse et triste après-midi, qui risque très fortement de dégénérer en bataille rangée entre casseurs et forces de l’ordre. Etant néanmoins en mission pour une agence de presse news, je prends quand même dans le sac des optiques supplémentaires, que je sortirai une fois à la toute fin de l’événement, quand les nuages de fumigène et les matraques de CRS, mêlés aux jets de pierres et autres bouteilles de verres des casseurs m’empêchaient de travailler en sécurité…

Voici le résultat de ce petit défi personnel, un éditing serré d’images réalisées avec le 50mm. Si vous possédez un boitier réflex, je vous conseille fortement cette optique !



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Thomas Goisque : « Partager des aventures humaines et les mettre en images »

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Thomas Goisque est un grand reporter au sens le plus noble du terme. Voyageur, aventurier, ce photographe au long cours a fait le tour du monde avec ses boitiers afin de ramener les meilleures histoires et les plus belles images pour la presse magazine nationale. Rencontre.

Destination Reportage : Comment avez vous commencé la photo ?

Thomas Goisque : Après avoir terminé mes études de photographie à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs », je suis parti un an en Asie du Sud Est pour un reportage avec une association humanitaire. Je faisais alors mes premières photos de reportage. Ensuite, à mon retour en France, je suis devenu photographe du Gouverneur Militaire de Paris et je me suis engagé comme casque bleu pendant 6 mois, puis je suis parti à Sarajevo.

Qu’est ce que l’armée vous a apporté ?

C’était une opportunité d’expérience et cela correspondait avec ce que je voulais faire, à savoir partager des aventures humaines et les mettre en images. L’armée est un milieu que je connais bien, j’en connais les codes. C’est important lorsque l’on est sur le terrain, c’est important de savoir comment réagir. Et puis, il faut dire que cela m’a permis de réaliser un reportage de huit pages dans le Figaro Magazine et de faire un livre. J’ai également obtenu le prix Marc Flament du Ministère de la Défense en 1995.

Thomas Goisque publication

Aujourd’hui, arrivez vous à vivre de ces voyages et de vos reportages ?

J’en vis depuis plus de 20 ans. Mais c’est de plus en plus difficile car aujourd’hui j’ai cinq enfants… Et puis, c’est de plus en plus difficile d’intéresser les magazines. C’est encore plus dur pour ce qui est de l’édition. C’est plaisant de pouvoir publier son travail dans un livre, mais cela ne fait pas vivre les gens.

Vous avez plusieurs livres à votre actif, notamment avec l’aventurier Sylvain Tesson. Comment l’avez vous rencontré ?

J’ai rencontré mon ami Sylvain à l’occasion d’un reportage pour le Figaro Magazine. Il s’agissait d’un reportage sur la marche des évadés du Goulag en Sibérie.

Vous avez parcouru le monde avec vos appareils photos, cela fait il de vous un « voyageur professionnel » ?

J’ai réalisé des reportages dans le monde entier par opportunité. Je n’ai pas de leçons à donner sur le voyage. J’essaye simplement de vivre de mes photos. Je pense que c’est lié à mon enfance et d’une profonde envie d’aventure. Au fond, je n’ai jamais été un grand passionné de photo, c’est venu assez tard. Pour moi l’appareil photo était l’objet qui pouvait me permettre de voyager.

Thomas Goisque site internet

Quel regard portez vous sur le métier de photojournaliste et de grand reporter ?

Je pense que c’est devenu un métier impossible. Cela fait 25 ans que je travaille et j’ai des connections dans la plupart des rédactions, mais c’est cependant de plus en plus difficile. Il y a eu une transition dans les rédactions. Les journalistes ont été remplacés par des personnes tenus par les financiers, et qui ne comprennent pas par exemple que lorsque l’on part en Irak, il faut payer un fixeur…

Quel est votre meilleur souvenir de reportage ?

Sans aucun doute notre aventure avec Sylvain Tesson autour du Lac Baïkal en side-car…

Thomas Goisque Lac Baïkal

                  



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5 films sur la photographie à voir

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Photojournalisme sur grand écran : 5 films à voir absolument !

Le reportage de guerre est l’une des branches du journalisme les plus connues et mises en avant. C’est aussi vrai dans le monde du 7ème art. Le photographe de guerre est présent dans de nombreux films et certains réalisateurs décident parfois de bâtir l’intrigue sur le personnage du reporter. De la simple apparition, comme dans Apocalypse Now, à la véritable intrigue autour d’un personnage complexe et psychologiquement ravagé comme Mark (alias Colin Farrell) dans « Eyes of War », le photographe de guerre est une véritable muse cinématographique. Dans cette série d’articles, je vais vous présenter des films ayant pour thématique principale l’univers de la photographie. Voici une première série davantage axée sur le personnage de photographe de guerre.

(Les synopsis des films sont extraits du site internet de Allociné)

[Garanti sans spoiler !]

The Bang Bang Club – Steven Silver – 2010

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Synopsis :

« Durant l’Apartheid en Afrique du Sud, les clivages raciaux font rage dans les quartiers pauvres. Sur place, quatre photographes ambitieux décident d’arpenter la région de long en large afin de réaliser la photo la plus révélatrice du contexte de l’époque. Une guerre médiatique entre ces quatre concurrents démarre alors, avec à la clé pour le gagnant, le Prix Pulitzer. Mais jusqu’où sont-ils prêts à aller pour bénéficier de cette récompense ? »

Avis :

L’un de mes films préférés. Il y a tout : de l’action, de l’Histoire, de l’amour et du photographe super courageux et intrépide. Le fait qu’il s’agisse d’une histoire vraie à la base est peut-être le plus intéressant dans ce film. Car on comprend alors qu’au-delà de la production hollywoodienne, on reste dans le vrai et le vécu. Les photojournalistes du film ne sont pas des personnages fictifs, imaginés pour faire rêver les gens, ce sont des êtres complexes, talentueux et finalement incroyablement humains. Il est facile pour un photographe de s’identifier à ces personnages, même s’il est clair que la plupart ne feront pas les mêmes choix qu’eux.

Eyes of War – Danis Tanovic – 2010

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Synopsis :

« Photographes de guerre chevronnés, Mark et David sont en mission au Kurdistan. Tandis que le premier décide de rester sur place quelques jours encore en quête du cliché susceptible de le rendre célèbre, le second ne supporte plus la violence et le désespoir quotidiens. Surtout, il veut rentrer pour retrouver sa femme Diane, qui attend un enfant.
Grièvement blessé, Mark échoue dans un hôpital de campagne, avant d’être rapatrié à Dublin, où il apprend que David, lui, a disparu… »

Avis

Colin Farrell est une fois de plus excellent dans le rôle du mec un peu cynique et perdu. Alors un boitier argentique dans les mains, c’est encore mieux ! Le film, très bien réalisé, nous tient en haleine grâce à un suspens presque intenable. L’ambiance est assez dramatique et pas des plus réjouissantes. Ce film n’est à priori pas basé sur des faits réels, mais il aurait pu et je pense que pas mal de reporters de guerre peuvent s’identifier au personnage, qui tel un James Nachtwey montre à quel point la guerre et son cortège d’atrocité peuvent changer, voire détruire un homme.

Salvador – Oliver Stone – 1986

Salvador

Synopsis :

« Le journaliste Richard Boyle est accablé de problèmes privés et professionnels. Il s’exile alors en République du Salvador avec son ami Rock Dock où ils cherchent un scoop dans un pays en pleine guerre civile. Il y retrouve Maria, une femme qu’il a aimé et découvre les horreurs du conflit méconnu du reste du monde. »

Avis :

Si vous avez aimé les bouquins de Patrick Chauvel, vous allez adorer ce film. Oliver Stone raconte les plus glorieuses mais aussi les plus sombres heures du photojournalisme de guerre. En pleine guerre civile, un journaliste entraine l’un de ces amis au volant d’une décapotable grossièrement floquée « TV » en lui promettant des filles et de la téquila au rabais. Il n’y trouvera cependant que des explosions, des fusillades et tout un tas d’atrocité. Excellent film d’action à l’américaine (ça fait beaucoup « Boom »), mais sur fond d’Histoire et de géopolitique.

Harrison’s Flowers – Elie Chouraqui – 2001

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Synopsis :

« Octobre 1991, Harrison Lloyd, (David Strathairn ; L.A. Confidential), reporter-photographe célèbre pour Newsweek, est envoyé en Yougoslavie pour « couvrir les débuts d’un conflit mineur ». Personne, à cette époque, ne comprend encore cette guerre. Sarah (Andie MacDowell ; Quatre mariages et un enterrement), sa femme, mère de deux enfants, lui fait promettre de revenir pour l’anniversaire de son fils.
Il promet, part, tarde à rentrer et est porté disparu aux environs de Osijiek, non loin de Vukovar, dans le nord de la Croatie. Quelques jours plus tard, l’Associated Press annonce sa mort.
Pour Sarah, le monde s’écroule, mais elle refuse de croire au décès de son époux. Elle part alors à sa recherche, flanquée de trois photographes, dont Kyle (Adrien Brody ; La ligne rouge), le seul qui soit un tantinet lucide dans l’expédition, et Stevenson (Brendan Gleeson ; The General), un soldat usé, instable, mais humain. »

Avis :

Un film assez dur, avec des scènes très violentes, mais malheureusement caractéristiques de la barbarie qu’il y a eu dans les Balkans à la fin des années 1990. Une histoire d’amour sur fond de guerre vraiment touchante et un suspens tout aussi intenable que « Eyes of War » (voir plus haut).

Salaud on t’aime – Claude Lelouch – 2014

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Synopsis :

« Un photographe de guerre et père absent, qui s’est plus occupé de son appareil photo que de ses 4 filles, coule des jours heureux dans les Alpes avec sa nouvelle compagne. Il va voir sa vie basculer le jour où son meilleur ami va tenter de le réconcilier avec sa famille en leur racontant un gros mensonge. »

Avis :

Alors oui, j’inclus ce film dans la sélection « photographes de guerre ». Même si le casting laisse perplexe lorsque l’on découvre l’affiche et le synopsis, une fois devant l’écran, ça devient un peu plus clair. Mais le plus fort dans l’histoire, c’est que Lelouch arrive à faire un film sur un reporter de guerre, même à la retraite, sans montrer une seule image de guerre, tout en arrivant à montrer les ravages que cette dernière à fait sur le bonhomme. Très gros rebondissements et très forte décharge émotionnelle, ce film a surtout le mérite de dresser le portrait d’un reporter de guerre à la retraite, ce qui est malheureusement assez rare !

Un nouvel article sera publié prochainement pour vous présenter de nouveaux films sur la photographie. En attendant, si vous en connaissez et que vous voulez en parler, n’hésitez pas à laisser un commentaire !

(Dans cet article, j’ai volontairement intégré des liens vers « Amazon » pour les DVD dont je parle. Passer par ces liens pour vous procurer ces produits, ne changent en rien leur coût, mais me permet de continuer à écrire de nouveaux articles sur ce blog. De plus, je ne vous proposerai jamais de cliquer sur un lien sur lequel je ne cliquerais pas moi-même ! J’ai fait le choix de vous indiquer les prix les plus bas pour acquérir ces produits) 



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Qu’est ce qu’un reporter de guerre ?

1980, l’Amérique centrale est en pleine ébullition et un événement tragique va bouleverser le Salvador. Lors des obsèques de Monseigneur Romero, l’archevêque de San Salvador, assassiné le 24 mars, une fusillade éclate sur le parvis de la cathédrale. En quelques minutes, 38 personnes sont tuées et plus de 400 sont blessées.

Sous les balles, le héros du film d’Oliver Stone « Salvador », arme son appareil photo et déclenche à tour de bras. La scène est invraisemblable et digne des films d’action américains.

Or même si « nom du personnage » est un personnage fictif, le réalisateur n’a pas eu besoin de chercher l’inspiration bien loin, puisque ce jour là, un photojournaliste français était présent, debout au milieu de victimes et photographiant au grand angle la tuerie en direct. Patrick Chauvel signe alors  un « scoop » mémorable et remporte ce jour là le prix Missouri de la prestigieuse université de journalisme des Etats-Unis pour la photo ci-dessous.

Funeral of Archbishop Romero

Rapporteur de guerre

L’une des branches du photojournalisme les plus connues est celle du reportage de guerre. Paradoxalement, il n’existe aucune formation à ce métier bien particulier. Comment se préparer à la guerre, autrement dit à ce qui est totalement imprévisible ?

Patrick Chauvel, célèbre reporter de guerre, raconte son incroyable parcours dans ses livres Sky, Rapporteur de guerre et Les pompes de Ricardo Jésus. Il explique comment sa carrière débute, sans la moindre préparation, sans même savoir utiliser correctement son Leica M3.

A l’issue d’un périple totalement improvisé dans le désert du Moyen Orient en 1967, en pleine guerre des six jours, il raconte : « De retour à Paris, je découvre avec horreur que quatre-vingt-dix pour cent de mes photos sont ratées, inutilisables. C’est foutu, j’ai honte, je suis déprimé, écoeuré. Quelle trahison pour ceux qui m’ont confié leur image, leur courage, leur souffrance ! J’ai l’impression que les morts sont morts une deuxième fois, et moi avec », ajoutant « Une des seules photos réussies de toute cette première aventure est une photo de moi posant avec une « fiancée armée » devant le mur des Lamentations, prise avec mon appareil photo par un soldat israélien qui, lui, savait s’en servir ».

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L’une des photos de Patrick Chauvel prise pendant la guerre du Vietnam 

Le « rapporteur » va se rattraper pendant les trente-cinq années qui suivent, à travers toutes les guerres qui ont rythmé la fin du XXème siècle. Hubert Henrotte l’engage à Sygma en 1978.

Dans « Le Monde dans les yeux » (l’un des meilleurs livres sur le photojournalisme !), il lui dédit même un chapitre : « Patrick continue de courir le monde en furie, attiré par la guerre comme par un aimant, forçant son destin pour mieux témoigner de la folie des hommes et jouant avec la mort. Il gagnera quatre fois de justesse. Une balle dans la jambe en Iran, un obus de mortier au Vietnam, avec cinq éclats dans les poumons, les bras et les genoux, et deux miracles, au Liban et à Panama. (…) Il a sur lui les stigmates de ses reportages, des blessures qui portent toutes un nom : Israël, Vietnam, Cambodge, Erythrée, Angola, Iran, Mozambique, Liban, Tchétchénie, Panama… Il se regarde et conclut : « Je n’ai plus beaucoup de places libres ! ».

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Photo de Patrick Chauvel prise à Grozny pendant la guerre de Tchétchénie

Le métier de reporter de guerre attire, presqu’autant qu’il tue. « Pourquoi tant d’effort et d’impatience à me rendre en un lieu que tant de gens cherchent à fuir ? », se demande Onur Coban, alors qu’il couvre la guerre en Libye en 2011.« La conviction que si je n’y vais pas, cette histoire là ne sera pas racontée. Le besoin de transmettre un événement et d’essayer d’être la voix de ceux qui le font ou le subissent. L’envie aussi, d’être le premier sur place », explique-t-il.

Cette rage de témoigner malgré le danger de mort, est le dénominateur commun des journalistes de guerre. C’est cette même rage qui guide Bill Biggart vers la deuxième tour du World Trade Center encore debout le 11 septembre 2001. Tandis que la zone est évacuée en urgence, il ne pense pas une seconde à changer son itinéraire et se dirige vers sa mort, l’œil dans le viseur de son boitier.

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Objectif : témoigner

Le photojournaliste de guerre, se voit comme un témoin de l’histoire. James Nachtwey, photographe de l’agence Magnum raconte pourquoi il a choisi de faire ce métier à travers une interview menée par Chauvel dans le documentaire Rapporteur de Guerre : « Au début, c’est pas goût d’aventure, de défis, de voyage, l’envie de faire carrière… et aussi de faire la différence. Et plus tu es confronté à la souffrance des autres, à l’injustice et à la tragédie, plus les raisons personnelles s’effacent naturellement devant l’envie de témoigner et d’essayer de maintenir le dialogue afin que les choses changent. Si personne ne sait ce qu’il se passe, si tout se fait dans l’ombre, tout peut arriver ». 

 James_Nachtwey_War_photographer_2001_7James Nachtwey dans le film War Photographer (2001) de Christian Frei

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L’un des plus célèbres clichés du photographe américain

« Pas de témoins, pas de crime », répète Patrick Chauvel. Mais plus qu’un témoignage, le reportage de guerre est aussi un travail de mémoire pour les prochaines générations. « On doit déranger, on doit être une épine dans le pied », affirme Laurent Van Der Stockt, photographe indépendant. Il faut dire que les reporters de guerre ont souvent du mal à ramener des images. L’armée ne laisse pas toujours beaucoup de marge de manœuvre aux journalistes en temps de guerre.

L’opinion publique représente souvent une partie de la victoire dans une guerre et les services de communication des armées l’on bien compris. Lors du récent conflit au Mali, une photo de l’AFP a défrayé la chronique dans les Etats Majors et la réponse a été immédiate : les photographes de presse ne sont plus les bienvenus sur le terrain d’opération.

5114827 Issouf Sandgo, auteur de la photo pour l’AFP assure que « le soldat ne posait pas »

Prendre parti

« Le photographe n’est pas là pour ne faire que ce qu’on lui donne le droit de faire », rappelle le photojournaliste indépendant Wilfrid Estève. Le journaliste qui part couvrir une guerre a le choix. Il peut se contenter d’être un « embedded », c’est à dire « embarqué » et donc rigoureusement encadré par les services de presse de l’armée. A ce jour, les militaires ont embarqué près de 400 journalistes provenant de 180 médias[1].

Cependant, les Patrick Chauvel et autre Laurent Van Der Stock préfèrent quant à eux adopter un autre angle et prennent le risque de ne pas rester à l’abri derrière les blindés de la « grande muette ».

Ces derniers ne restent pas pour autant seuls sur le champ de bataille. Il existe alors une solidarité entre journalistes de guerre sur le terrain. Dans les années 1990, le Bang Bang Club commence à se faire connaître en Afrique du Sud. Cette drôle d’équipe de photographes casse-cous, enchaîne les scoops et les publications dans le monde entier, couvrant une actualité violente et toujours en cours, dans les townships africains, alors que la guerre civile fait rage entre pro et anti Mandela.

Greg marinovitchGreg Marinovich remporta le Pulitzer en 1991 pour cette photo

Tandis que Kevin Carter se suicide après avoir remporté le Pulitzer pour photo prise au Sahel, La fillette et le vautour (voire partie III/ 2), son compère Ken Oosterbroek tombe sous une balle perdue des forces de la « National Peacekeeping Force » le 18 avril 1994. Joao Silva et Greg Marinovich raconteront l’histoire de ce Bang Bang Club dans un livre, plus tard adapté dans un film de Steven Silver en 2011.

=> Plus d’info sur le film « Bang Bang Club » sur ce lien : http://www.destination-reportage.com/5-films-photographie-voir/

*

En conclusion, on peut dire que le cas du reporter de guerre est peut être à lui seul le gage de survie du photojournalisme, qui se veut être le témoin de l’histoire et le garant d’une mémoire collective.

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Kevin Carter obtient le Pulitzer en 1994 avec cette photo prise au Soudan. Il se suicidera peu après.

 

Plus d’informations sur le photojournalisme dans ce précédent article.

Cet article est extrait de mon mémoire de recherche
« Photojournalisme en danger,
une profession dans le flou entre mort annoncée et survie »  –
sous la direction de BAISNÉE, Olivier –
Institut d’Etude Politique de Toulouse.

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Focus sur l’Iphonographie

Une actualité sympa me permet de ressortir un article rédigé l’année dernière dans le magazine des étudiants de Sciences-Po Toulouse. Ce mois de mai, un excellent photographe toulousain (et surtout un très bon ami), expose une série de photographies de rue… réalisée au smartphone. L’occasion de revenir sur cette pratique de plus en plus à la mode, y compris chez les professionnels de l’image, comme Frédéric Scheiber, photojournaliste pour le journal « 20 Minutes » depuis 10 ans.

Qu’est ce que l’Iphonographie ?

Faire des photos n’a jamais été aussi simple. Les appareils compacts numériques et tout publics deviennent de plus en plus sophistiqués pour un prix toujours plus dérisoire. Il est bien loin le temps où l’on réglait le boitier argentique et que chaque photo mal cadrée coûtait de l’argent. Aujourd’hui, plus de film sauf pour les derniers irréductibles tel James Nachtwey. La photographie entre, elle aussi, dans l’ère du tout numérique et également dans l’univers du web 2.0, c’est à dire le web participatif. Le nom de cette nouvelle tendance : l’Iphonographie.

Faire des photos d’art et les partager avec le reste du monde, « il y a une application pour ça ».
A croire que la marque à la pomme est en train de faire muter les pratiques culturelles en plus de nos modes de vie. Cependant le mouvement dépasse Apple et ses Iphones. Chaque « téléphone intelligent » peut aujourd’hui servir d’appareil photo argentique, grâce à des applications proposant aux utilisateurs différents filtres permettant de retoucher leurs photos afin d’en faire de véritable œuvres d’art.
La plus connue, Instagram a même été racheté par le géant bleu Facebook pour la modique somme d’un milliard d’euros. Avec à ce jour près de 100 millions d’utilisateurs, l’application est devenu un véritable réseau social. « Rien que sur Toulouse, nous comptons 630 abonnés à notre compte Twitter », note la représentante de « instagramersfrance », une association internationale, «  la Ville rose est l’une des plus actives de France ».

La journée était organisée par l’association « Dixpardix » dont Fabrice Féval est le représentant :« L’objectif est de mettre en relief la culture photographique et de montrer le côté artistique du téléphone ». L’invitation à cette dixième édition de Manifesto ne l’a donc pas surpris « l’Iphonographie est un phénomène qui prend de plus en plus de place dans l’art. Ce n’est pas la technique qui fait l’œil ».

Damon Winter photographe pour le New York Times a remporté en 2011 la troisième place du célèbre prix « picture of the year » avec ses photos « Hipstamatic » prises lors d'un reportage avec les soldats américains en Afghanistan.
Photo ci-dessus : Damon Winter, photographe pour le New York Times, a remporté en 2011 la troisième place du célèbre prix « Picture of the year » avec ses photos « Hipstamatic » prises lors d’un reportage avec les soldats américains en Afghanistan. (Crédit : www.damonwinter.com/)

Une nouvelle ère pour le photojournalisme ?

Il en faudra cependant davantage pour que le photojournaliste mette son boîtier numérique au placard pour profiter de la technologie des smartphones. Certains commencent cependant à franchir le cap de la « photo mobile ». Dan Chung, photojournaliste du Guardian a par exemple couvert les jeux olympiques de Londres avec son Iphone 4S et certains de ses clichés rivalisent sérieusement avec des prises de vue au boîtier numérique dernier cri. La très célèbre agence photo Getty Image supporte également la pratique à travers le reportage de Benjamin Lowy en Libye.

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Cet usage est critiqué par une partie de la profession, déjà inquiète quant à son avenir. Certains annoncent même la fin du photojournalisme. En cause, le monopole de certaines agences comme l’AFP, qui fausse les prix des photos. Ou encore la crise que traverse la presse en général, qui fait de plus en plus appel à des pigistes, précarisant davantage la profession.

Dès lors, en attendant un éventuel passage à l’acte de la nouvelle ministre de la Culture qui dit « avoir l’amour de la photographie » l’Iphonographie n’aide pas forcément à remettre en valeur la profession de reporter-photographe alors qu’une partie de l’opinion pense qu’une application mobile peut remplacer le matériel professionnel et avec lui un savoir faire technique. Cependant, une chose est sûre, le matériel ne remplacera jamais l’œil du photographe ni la démarche du journaliste.



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Profession : photojournaliste

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Être photographe, c’est écrire avec la lumière. Être photojournaliste c’est capter la lumière de la vérité.

Erich Salomon

Le reporter-photographe, lorsqu’il n’est pas bêtement et injustement assimilé au paparazzi, fait rêver. Mais ce métier qui consiste bien souvent à voyager et essentiellement à informer à travers des images, est en danger. Les causes de la crise du photojournalisme sont nombreuses. J’en ai répertorié et expliqué certaines dans mon mémoire de recherche réalisé dans le cadre de mes études à l’Institut d’Etude Politique de Toulouse (en lecture ci-dessous).

Pourquoi parler de ce sujet sur ce blog ?

Tout simplement parce que trop de photographes amateurs (et le grand public en général) ne connaissent pas cette situation dramatique qui touche toute une profession, et indirectement, en sont pour certains responsables.

Je m’explique. Aujourd’hui, les entreprises de presse et les entreprises plus largement, considèrent la photographie avant tout comme un coût et non plus comme une oeuvre de l’esprit. Afin d’éviter les dépenses d’argent, ces structures se tournent bien souvent vers des contenus libres de droits, souvent produits par des amateurs. Pourquoi acheter ce que l’on peut avoir gratuit ? Alors certes, ce n’est pas la même qualité, mais si cela peut justifier des économies…

Je n’ai pas l’intention de faire un discours moralisateur, mais je pense qu’il est important que cette situation très pénible pour les photographes professionnels, c’est à dire celles et ceux qui vivent de leurs photographies, soit mise en lumière.

Sur la photo : Frédéric Lancelot, photojournaliste freelance toulousain

 

Comment vivre de la photo ?

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